Aristide MONO

Cameroun: Une sortie ennuyeuse de Biya au stade omnisports de Yaoundé

Après une tentative d’agression à Paris par un membre du collectif le CODE, le président camerounais a présidé dimanche passé la traditionnelle finale de la coupe du Cameroun. Au lieu d’un spectacle alléchant et une accueille triomphaliste, Biya est resté impatient pendant les trois heures qu’ont duré cette sortie anxieuse.

Le président a constaté que sa personnalité n’attire plus les foules, le stade qui porte le nom de son prédécesseur n’a pas connu l’effervescence qui a toujours caractérisé jusqu’ici la grande parade de la finale de la coupe du Cameroun. En dehors de quelques mécanismes maladroits consistants à corrompre les jeunes par les billets de banque et d’autres petites gratifications de tout genre pour remplir le stade, la Cuvette de Fandena était presque vide. Les camerounais surement n’ont plus rien à cirer des apparitions publiques budgétivores du président de la république du Cameroun et de son gouvernement.

Certains spécialistes ont mis ce désaveux des camerounais jadis accrochés à cet événement à l’actif de la maîtrise et la détention du calendrier national par un seul individu. Pour preuve tout reste énigmatique et la rumeur reste la seule source d’information : la convocation du corps électoral, la prorogation des mandats électifs, le remaniement ministériel sans oublier la célébration du cinquantenaire de la réunification qui accusera bientôt trois ans de retard. L’annonce de la tenue de la finale de la coupe du Cameroun a  été faite à la veille. Le Cameroun de Biya est un pays de l’incertitude.

Cette absence de calendrier politique au Cameroun parait pertinente mais il ne faut pas perdre de vue que les camerounais se lassent aussi déjà de la routine qui n’impacte pas leur quotidien en dehors de la dilapidation de la ressource nationale par ces cérémonies Mubutistes.

L’événement était également ennuyeux par la présence autour de Biya des collaborateurs malveillants qu’il a déjà limogé de son futur gouvernement, d’ailleurs leurs passeports ont été retirés par les services de police. On pouvait donc lire la souffrance du président qui, pris dans sa politique de l’improvisation était obligé en attendant l’officialisation de son gouvernement à endurer la présence de ces vautours autour de lui. Cela était perceptible au stade omnisports à travers des poignets de mains expéditifs, des regards peu attentifs et l’image d’un président trop pressé s’il faut le dire trivialement.

L’ennui venait également la prise au piège du président par ses propres déclarations qui le mettent actuellement dans une lutte contre la montre. Trop de promesses en 2013 ! Or à quelques 9 jours de la fin de l’année rien, de réalisé en dehors de la mise sur pied du sénat et l’inauguration du deuxième pont sur le Wouri. Le président était donc sous la pression du temps, les camerounais attendent le cinquantenaire de la réunification, la mise en place du conseil constitutionnel et un éventuel nouveau gouvernement, tous ceci à moins de 9 jours de 2014 !

Si la désaffection de Biya et de la cérémonie de la 54 ème édition de la finale de la coupe du Cameroun  ainsi que les pressions de son calendrier politique ont mis le président dans une posture inconfortable, il ne faut pas oublier le spectacle qui faisait somnoler les apparatchiks du régime de Yaoundé. Les protagonistes du jour à savoir, Le mythique Canon de Yaoundé et la jeune équipe de Young Spot Académic de Bamenda  ont produit un jeu tellement indigent que l’icône Milla Roger n’a pas gardé sa langue dans la poche.

Un jeu très décousu manquant de rythme, les individualités peu convaincantes, pas d’action concrète de but, pas d’exploit, tous ceci dans un rythme escargot. De quoi fatiguer tout un gouvernement et élite politique vieillissante surtout que la majeure partie était là pour des raisons protocolaires et d’allégeance au grand manitou. Bref le football camerounais est dans un état comateux ! La qualification pour le mondial 2014 est un exploit de la diaspora, en effet, localement il y a tout sauf le jeu, le plus important c’est l’enjeu autour du contrôle des retombées financières du football.

Craignant pour sa sécurité face au manque d’éclairage du stade omnisport, le président a remis au pas de course les distinctions aux athlètes qui se sont illustrés durant toute la saison sportive avant de regagner sa Bourgade d’Etoudi. Il était presque 18h 30 sous une forte militarisation de toute la capitale.


Les chefs d’Etat Africains ont déçu Mandela

A l’annonce du décès de l’icône africain, le président Jacob Zuma n’a pas fait l’économie des valeurs qu’incarnait ce Baobab, il dira que Mandela était synonyme d’humilité, de paix, d’équité, de liberté, et aussi de pardon. Est-ce que les chefs d’Etats africains ont jusqu’ici suivi la voie de l’émergence de l’Afrique tracée par ce modèle ?

Il faut souffrir peut être d’une myopie politique pour tergiverser sur une telle réponse, les bilans et les profiles de ces barrons sont loin d’épouser ces valeurs que Mandela n’a cessé de défendre. On ne peut que s’évanouir devant le mépris que les présidents africains ont pour la vie humaine, entre coup d’Etat génocidaire de Paul Kagamé, l’autoritarisme brutal de Mugabe et les exactions de El Béchir. Mandela ne pouvait être que déçu par une telle posture peu humaniste, lui qui a donner toute sa vie pour la cause humaine.

On se demanderait si l’Afrique méritait un tel philanthrope ? S’il avait été en occident il aurait été la principale source d’inspiration des dirigeants même pour saluer l’œuvre du grand homme. Mais en Afrique rien ! Et rien de tout ce que Mandela représente comme boussole de l’humanité.

Demandez à Biya ce qui signifie liberté ou alors à son voisin Obiang Ngéma qui vient de découvrir ses talents de panafricaniste tardif ? Ils vous diront que Mandela, « oui il incarne la liberté mais nous ne sommes pas en Afrique du sud, bon chez nous les bantous il n’y a pas deux caïmans dans un étant ». Voilà une posture révoltante qui peut faire perdre la maitrise, on ne saurait parler de cécité mais simplement de mauvaise foi pour les chefs d’Etat africains d’incarner la liberté qui est une valeur fondamentale non pas seulement pour Mandela mais la libération de tout un peuple longtemps resté dans les mailles de la servitude.

L’Afrique pleure Mandela mais ses dirigeants sont restés insensibles en dehors, des rites théâtraux dans les discours et protocoles de tout genre pour vanter hypocritement l’Homme : « Mandela était une icône ! ». Or il ne suffit pas de le dire pour révérer sa mémoire mais de traduire en acte, de faire preuve de réappropriation des valeurs qu’il a toujours défendues et vendues au prix de sa vie. Et c’est ça pleurer et rendre hommage à Mandela ! Aujourd’hui, les chefs d’Etat africains honteusement bombent le torse en disant : « je suis gaulliste » et aucun n’affirme être « Mandeliste ». Ceci démontre d’une ingratitude notoire des dirigeants africains envers leurs grands Hommes ; d’ailleurs si Obama s’était présenté aux élections au Kenya il aurait été contraint à l’exil.

Le pardon, l’Ubuntu, voilà ce que Mandela a laissé aux autres sauf aux dirigeants africains, le large sourire de Ouattara devant un stade plein, exultant l’esprit conciliant d’un Homme ne pouvait que gâter la fête lors des obsèques de Mandela. Ce qui importe c’est le règlement de compte avec l’émergence bancale des « pro » et des « anti » en Côte d’Ivoire. Le corps du père de la nation camerounaise Ahidjo en exil au Sénégal subit jusqu’aujourd’hui les fougues de la vengeance de Biya. Combien de fois les chefs d’Etat africains ont fait preuve de pardon et de réconciliation ?

En tout cas ce sont les choses de Mandela ! Pourquoi donc jouer les hypocrites si vous pensez que les combats de Mandela ne vous servent à rien, on peut dire trivialement qu’il ne vous a servi à rien.

C’est un contraste, un terrible contraste que sur plus de 54 présidents africains aucun ne soit un « mandeliste » même dans le vernissage !

Le néopatrimonialisme et l’égoïsme ont pris le pas sur l’altruisme de Mandela, la dictature a pris le pas sur la liberté de Mandela, la vengeance a pris le dessus sur le pardon de Mandela, l’humilité rend hommage à l’arrogance…  L’icône s’en va, renié et déçu par ses pairs africains puisque personne n’a jusqu’ici suivi ses pas.


Ce « sachet » qui soulage en tuant à petit feu au Cameroun!

Il est six heures du matin, les jeunes du quartier se retrouvent au « Tchapalo » pour prendre un déjeuner d’un autre genre, un petit whisky en sachet au prix unique de 100f CFA connu sous le nom de Kitoko. Tous sont unanimes qu’après une gorgée « On est High père ! ». C’est-à-dire élevé au dessus de tout le stress des journées très fatigantes. Bref « on est Zion » pour emprunter une expression de l’argot Jah rastafari.

En face du « Tchapalo », c’est la boutique du malien du quartier, Abou qui vient de servir un sachet à un sexagénaire en « tenue de combat » (habit champêtre). Il vient également chercher un remontant avant de rejoindre sa plantation derrière l’évêché, il ne manque pas d’en garder  pour midi ou éventuellement à un compagnon avec qui il va décrier l’inertie et la déperdition des jeunes du quartier.

Les taximen motos sont les plus accrochés, car pour eux cet élixir est adéquat pour  réchauffer les poumons et maintenir en forme durant toute une journée de dur labeur. Par conséquent le tapis rouge est ainsi déroulé aux accidents de circulation causés par ces jeunes généralement diplômés qui, à défaut de créer un nouveau Cameroun ont trouvé mieux de se recréer en se soulant la gueule pour « chasser la honte » de la société qui a cru en eux quand ils étaient en fac.

Kitoko, Lion d’or, Fighter, voilà les différentes marques de whisky en sachet les plus prisées par le prolétariat au Cameroun. Malgré les injonctions du gouvernement au sujet de l’interdiction de la commercialisation de ce « papa bonheur », la consommation va croissante. Ses adeptes  ne tarissent pas d’éloge à son sujet, tout en refusant cependant d’admettre l’effet nocif et même mortel des Kitoko. Les téméraires vous dirons que « tu bois tu meurs, tu ne bois pas tu meurs », alors vous avez tout compris.

Les sachets sont de plus en plus prisés pour diverses raisons. Ils sont « moins chers » 100 CFA,  largement en dessous de 600 F et de 1200 F, les prix respectif d’une bouteille bière et d’un litre de vin rouge. Ce qui rend le produit accessible aux petites bourses loin des sommes faramineuses que l’on peut débourser pour un Chwaz ou Grant. C’est ainsi que dans un élan de solidarité africaine on peut facilement l’offrir à des proches sans que l’on ne ressente la dépense. « C’est le vin des Nguémés » (démunis).

La consommation du sachet de Kitoko ou de Lion d’or est plus discrète que celle de la bière ou du vin rouge car son contenant en plastique-sucette est dissimulable et permet aux jeunes d’échapper au contrôle parentale  de même qu’aux vieillards d’échapper à la vigilance des grands-mères. Il suffit d’un petit tour derrière le manguier ou la cabane, et le tour est joué « ni vu ni connu ». Pour couronner le tout, Les consommateurs de cette denrée qui fait rage au Cameroun pousse le bouchon plus loin au travers des chansonnettes et slogans qui lui sont chaleureusement dédié à l’instar de ce celui-ci : « nous te disons merci, Kitoko ».

Le whisky en sachet peut se boire en une seule gorgée et les effets produits répondent aux attentes. Le taux d’alcool est de 45% contrairement à une bouteille de bière de 65 cl qui coute 600 et en contient que 4,5%. Un seul coup de Kitoko ou de Fighter, on est dans un autre monde, « en paix avec soi même », « on s’en fou pas mal de Biya », « la politique aux politiciens, le kitoko aux soulards !». Le sachet a cet  avantage de rendre les gens « ébote » (saouls) et de noyer les soucis. Drôle de destin pour les jeunes et vieillards débordés par l’injustice sociale et qui trouvent refuge derrière le Kitoko.

D’où proviennent ces sachets ? Certains parlent du Nigéria, d’autres pensent que c’est une fermentation locale dérivée de la transformation d’une certaine espèce de légumes locaux dénommé « okok ». En tout cas cela importe peu, l’essentiel « c’est de se mettre à l’aise ».

Les injures et autres propos grossiers et violents ne tardent pas à céder la place à des engueulades. « Ton père c’est qui ? », « tu es qui ? », « qui te connais ? », « va dire Biya que j’ai soulé », « haha moof ! Quand les vrais gens parlent, tu ose ouvrir ta gueule ? Insolent ! »

Chez les jeunes les débordements de tout bord sont répertoriés. La délinquance, l’oisiveté, l’agressivité physique et j’en passe. Au finish toute une jeunesse est égarée, la république de soulard devient la principale politique publique de l’Etat qui, au lieu d’interroger et résoudre les causes de cette ruée vers ces sachets alcooliques, tente plutôt de gérer le problème par le « haut » en décriant par les discours le phénomène. Dans tout les cas cela les arrangerait d’avoir une jeunesse orientée vers l’alcool et non pas vers les affaires citoyennes et républicaines.

Par ailleurs sur le plan sanitaire, c’est la catastrophe ! Les spécialistes parlent de l’affaiblissement du système immunitaire avec des impacts physiques par exemple la vulnérabilité aux maladies comme la tuberculeuse. La consommation de ces sachets accélère également le vieillissement. Il n’est par rare de voire nos vieux papa avec des bouches déformée et un corps atteint de « tremblote ». Le kitoko tue à petit feu même si ses avantages restent largement convaincants pour de nombreux consommateurs.

Ah ! Au Cameroun on a généralement coutume de dire : « On va alors faire comment ?»


La rumeur anime et pollue l’espace public camerounais

La rumeur, les « ont-dits » ou encore le Kongossa fracassent l’espace public camerounais sans qu’on ne soit capable de remonter la source. L’impact de ce média de rue est visible dans la société causant des victimes. Il s’agit de discréditer, de vouer une personnalité à l’hégémonie ou simplement de créer une hystérie auprès de l’opinion.

Aujourd’hui, la rumeur est considérée comme un élément majeur de construction social de l’espace publique. En effet, le terme rumeur vient du latin « Rumor », il apparait au 18e siècle avec le sens de « bruit qui court », qui deviendra rapidement « nouvelles qui se répandent dans le public ou l’opinion ».

La rumeur est donc une information non vérifiée qui se transmet à un grand nombre d’individus à une vitesse exponentielle. Elle est dès lors définie comme « l’émergence et la circulation dans le corps social d’informations soit non encore confirmées publiquement par les sources officielles, soit démenties par celles-ci. De ce fait selon le sociologue jean noël kaferer «  c’est le plus vieux média du monde » une rumeur est un bruit qui circule et que l’on répète, tenu pour information, sans que l’on en connaisse la source ; son exactitude n’est pas vérifiée, mais cela ne veut pas forcément dire qu’elle est fausse.

Dans tous les cas, cette information se répand comme une trainée de poudre, de façon totalement incontrôlée. Ce fait présente de nombreuses caractéristiques dont quatre retiendront notre attention, il s’agit de l’implication où le sujet transmetteur se sent plus ou moins concerné par le message véhiculé ; l’attribution de la rumeur est un discours rapporté : c’est-à-dire qu’elle renvoie systématiquement à un fait « non immédiat et concomitant à sa transmission » et qui n’est par conséquent jamais vérifiable directement.

Elle est toujours le témoignage d’un témoignage et est le plus souvent anonyme ; l’instabilité qui renvoie au fait que, en se diffusant, son contenu se modifie par réduction, accentuation, rajouts, omission, généralisation des faits rapportés. On remarque que ces altérations du message original sont le fait de l’humain, qui selon sa propre vision du message, sa personnalité et ses préoccupations aura tendance à en tirer un nouveau message personnalisé ; et la négativité, elle rapporte majoritairement des faits négatifs voire inquiétants ou dramatiques : situations aversives, agressions, dangers, accidents ou encore menaces. Les rumeurs rapportant des faits agréables d’espoir sont rares et sont souvent le fait de mutations sociétales.

Sa propagation témoigne généralement d’un profond malaise, de même que d’un déficit de communication et quand elle est là, il est difficile de s’en débarrasser. Elle vise très souvent à manipuler l’opinion publique, pouvant dans certains cas virer à la psychose donnant libre cour à la « panique morale ». Quelques exemples peuvent ici étayer nos propos.

Au niveau international, nous pouvons évoquer le célèbre cas de la rumeur d’Orléans dont les événements se seraient déroulés en mai 1969, incriminant pas moins de six magasins de lingerie féminine tenue par des juifs. Elle se basait sur de possibles rapts de femmes dans des cabines d’essayage où elles auraient été droguées avec des seringues hypodermiques puis enlevées discrètement grâce aux nombreux souterrains présents dans la ville, pour être ensuite livrées à des réseaux de prostitution.

Elle prit une tournure quelque peu comique lorsqu’on évoqua la possibilité d’un sous-marin remontant la Loire pour plus de discrétion lors du transport des femmes kidnappées. Connaissant les effets pervers qui en ont résulté, il s’avère que la vérité sur la question n’a jamais vraiment été établie.

Dans un contexte beaucoup plus familier qu’est le notre, il se trouve que la rumeur fait son petit bonhomme de chemin sans une très grande inquiétude. En effet, nombreux hommes publics ici sont généralement sujet à des rumeurs aussi fantaisistes les unes que les autres, portant quelques fois leur grain de vérité car comme on aime bien le dire ici: « il n’y a jamais de fumée sans feu ».

Qu’à cela ne tienne, la rumeur reste un phénomène répréhensible pour une société qui connait nombre de problème, car il ya tellement à faire qu’on se demande bien d’où vient le temps de propager des histoires montée de toute pièce. L’on se souvient ici de la rumeur sur la mort du président Biya qui a déferlé la chronique au Cameroun et plongé le pays dans une grande appréhension, avant le démenti qui est arrivé beaucoup plus tard.

Aussi, avec le spectre d’épervier qui plane sur les gestionnaires du trésors publique au Cameroun, de nombreuses rumeurs ont déjà annoncé des incarcérations de certains ministres et DG de société de la place, les « éperviables » on les nomme ; les exemples de(…)sont très parlant. De même, la question du remaniement ministériel et autres nominations aux hauts postes de la république sont très souvent des sujets qui laissent libre cour à la rumeur. De ce fait, la rumeur peut s’attaquer à tout et à tous, à la vie privée, comme publique, Ce qui nous conduit à nous intéresser aux vecteurs des rumeurs.

En effets, les médias sont considérés comme de formidables vecteurs de rumeurs, du fait qu’ils permettent une propagation rapide de celles-ci en raison de leur fort audimat. De plus, les médias, et notamment la presse, jouissent d’une forte crédibilité ; internet lui aussi est devenu un canal incontournable dans la propagation des rumeurs, à travers les nombreux cadres réticulaires qu’il offre.

En diffusant la fausse information, ils la rendent réelle vis-à-vis du public concerné. En relayant la rumeur sans jamais préciser que les sources ne sont pas vérifiables, la rumeur se mute en désinformation. Par conséquent, il est nécessaire pour y remédier, de communiquer rapidement sur le sujet, en restant factuel. « La meilleure façon de tuer une rumeur, c’est d’en parler. Ensuite, il faut indiquer si la rumeur est effectivement fondée. Dans le cas d’une fausse rumeur, les voix les plus autorisées doivent démentir, question d’éclairer l’opinion sur le sujet et dissiper le flou qu’apporte la rumeur.

 

 


Sanction à l’Université de Yaoundé 2

Créée en 2010 à l’université de Yaoundé 2, la police campus n’hésite pas à interpeller et à expulser les VFSD (ventres, fesses, seins dehors) hors de l’établissement. Stationnée aux différentes entrée du campus elle veille nuit et jour à ce que les étudiants « mal habillés » ne profanent ce lieu de sciences, en offrant leur intimité à monsieur tout le monde.

La sortie musclée des membres du Gouvernement arrivent très en retard par rapport au combat répressif que l’université de Yaoundé 2 mène depuis  des années contre les costumes indécents. Ce combat certes ne s’applique pas uniquement aux jeunes filles mais il faut préciser qu’elles restent les plus interpellées. Quelque soit l’urgence de votre présence au campus, par exemple les évaluations, la police-campus n’a aucun remord dans son job.

Seulement, le Cameroun c’est le Cameroun ! La rigueur de certains de ces éléments cède facilement face au gombo (corruption) qui naît parallèlement dans cette activité de contrôle. Les jeunes filles, sous la menace d’être refoulées, ne tardent pas à balancer un billet de 500 f pour soudoyer cette police qui a fini par prendre goût au jeu. Par conséquent les interpellations sont souvent fantaisistes c’est-à-dire  juste pour arnaquer ou humilier certaines demoiselles ou leurs copains. Alors s’ensuivent généralement de vives altercations verbales ou physiques.

Néanmoins le travail abattu par la police campus est salutaire et laisse transparaître aujourd’hui un résultat avéré. Les étudiantes de l’université de Yaoundé 2 se montrent désormais de plus en plus décentes dans leurs look et habillement à l’intérieure du campus même si une fois hors de l’établissement c’est le « grand déballage ». L’éthique rend hommage au vice ; La morale s’agenouille devant la pudeur ; La dignité s’incline devant l’indécence ; Chacun détruit la nation à son niveau.

En outre malgré l’adversité de la police campus, il y a des jeunes filles qui continuent à la défier. On arrive encore à voir tous les jours à l’entrée principale du campus, des dames refoulées et suppliant les éléments de la police campus afin d’escompter leur indulgence. Pourquoi s’obstine-t-elle à profaner leur corps et désacralisé les parties sensibles de leur profil. En les interrogeant au campus cette matinée, plusieurs raisons sont avancées :

Elles se sentent jeunes, donc plus décontractées dans ses tenues, aussi ces dernières sont plus accessibles aux bourses les plus modestes. Elles estiment par ailleurs que ce n’est nullement une déviance mais un conflit de génération que les aînés des années quatre vingt veulent vainement engagés. Certaines disent qu’ils sont jaloux ! Ça les charmes ! Ils sont encore comprimés dans un moyen âge sans aucune notion de romantisme. Bref c’est la vielle époque !

Lorsqu’on leur demande quel contentieux elles ont contre le « Kaba » (robe traditionnelle en tissu-pagne), elles répondent que ce costume doit rester une tenue exclusive pour des cérémonies traditionnelles. Il ne met pas leurs corps en valeur du fait de la largeur qui la caractérise. Au sujet de la sortie du ministre de la promotion de la femme déclarant la guerre aux VFSD, les étudiantes esquissent un sourire en disant tout simplement que le problème est ailleurs : « On a qu’à interdire l’importation de ses tenues, pourquoi nous agacer ? ». Certaines disent de leur coté que le Gouvernement a mieux à faire : « Les priorités des Camerounais sont ailleurs » ; « Ce n’est pas l’habillement ou la lutte contre les mini-jupes et les strings dehors qui va résoudre le problème de pauvreté, qu’ils nous excusent », dira une étudiante de sciences politique révoltée.

Dans tous les cas la police campus n’a rien à cirer de ces discours. A la question de savoir si eux même ne sont pas fiers de se « rincer les yeux » avec ces tenues, un ami, élément de cette unité me répond en souriant: « Gars ! Est-ce qu’on fabrique, est-ce qu’on a l’autre.  Seulement la loi c’est la loi, les étudiants eux même le savent. Malgré moi je dois sévir même si au quartier je me rends compte que je gatte mes chances de goutter au délice de ces cuisses. Papa ! c’est chaud toi-même tu vois ça comment ? Et si tu étais à ma place tu allais aussi « rincer les yeux » avant la répression».

Bon, en toute honnêteté je ne veux pas être à sa place !

En somme même si l’approche holiste qui est la notre dans l’analyse des faits sociaux nous contraint à jeter le tord sur l’Etat qui en amont ne répond pas aux attentes des jeunes, ce n’est pas pour autant qu’on fermera les yeux sur le caractère débordant et exagéré des tenues des jeunes. Il faut avoir le sang froid pour ne pas succomber aux cuisses et seins exposées à la merci des appétits.

Les filles ont tout démocratisé, assises derrière une moto taxi ou lors de leurs descentes des cars de transport, on est frappé par une migraine visuelle. Certes il y a un problème de dignité, mais celui de la sécurité de ces jeunes filles est plus fondamental. A travers ces costumes excitants elles restent exposées au viol surtout la nuit.

Au finish, je trouve la problématique mal posée lorsqu’ on essaie de juvéniliser l’indécence vestimentaire comme on le fait généralement avec la délinquance en parlant de « délinquance juvénile ». Pris sous cet angle, une certaine catégorie de vieux  elle aussi fait partie de ces délinquants, par ce que  même nos mamans discutent ces vêtements rétrécis avec leur fille dans les marchés de Mokolo à Yaoundé ou de Nkololoun à Douala. Le combat doit être général c’est-à-dire à la fois contre ces vieux et jeunes qui ont égaré la norme et normalisé l’écart.

 


Le sénat camerounais n’est pas la chambre « haute » mais un « machin »

Le sénat camerounais est une autre institution cosmétique mise sur pied par Biya, sous la pression de la communauté internationale, pour donner l’illusion d’un bicaméralisme. Le sénat n’est pas la chambre haute, pire encore, il n’a aucun pouvoir en dehors de celui de « dauphinat » en cas de vacance à la tête de l’Etat. Tout est concentré constitutionnellement entre les mains de l’assemblée nationale même si dans la pratique elle demeure elle aussi une autre chambre d’acclamation.

Une lecture profonde de la constitution camerounaise  de 1972 bis (révision de 1996) prouve à suffisance que le sénat n’est pas la chambre « haute » et qu’elle est dénuée de tout pouvoir par rapport à celui accordé à la chambre « basse ».

Déjà le serment du président de la république est reçu par le  président de l’assemblée nationale (art7 al2) affirmant ainsi la primauté de cette dernière sur le sénat. Le sénat n’a aucune influence sur l’activité parlementaire, il ne peut ni faire ni défaire un acte législatif.

Lorsqu’on essaie d’avancer dans la lecture, on constate que quand les deux chambres sont réunis en congrès les débats sont présidés par le président de l’assemble nationale en émasculant celui du sénat, du haut de son statut de chambre haute (art 14 al 4). De même en cas de crise grave, il revient toujours à l’assemblée nationale de proroger ou d’abréger le mandat du Président de la république (art 15), ce qui prouve que dans le rapport entre l’exécutif et le législatif le pouvoir est plus dévolu à l’assemblée nationale.

Le sénat au Cameroun, en dehors de l’intérim que son président peut assumer en cas de vacance à la tête de l’Etat, est un machin, un design institutionnel sans pouvoir fondamental donc simplement budgétivore. Les textes soumis à son réexamen peuvent être rejetés par l’assemblé nationale, aussi les lois faisant l’objet d’une seconde lecture par le président de la république n’ont pas à passer au sénat pour être adopté par la majorité absolue des députés (art 19). L’article 30 vient confirmer en la matière cette inutilité du sénat en stipulant dans son alinéa 03 que « les amendements proposés par le sénat sont adoptés ou rejetés par la majorité simple des députés ».

Dans la même veine l’assemblée nationale peut remettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure et pousser le gouvernement à la démission en lui refusant sa confiance (art 34) ce qui ne peut que conforter la puissance de la chambre basse sur la chambre « haute ».

Cette lecture de l’essentiel des prérogatives du parlement accordées constitutionnellement à l’assemblée nationale camerounaise, nous démontre les insuffisances de la constitution de 1972 révisée en 1996. La problématique du sénat camerounais comme chambre haute est une des incongruités parmi tant d’autres de cette loi fondamentale qui est permanemment modifiée, non pas pour corriger ces contre-sens, mais pour assurer la représentation à vie du président Biya aux élections.


Lettre ouverte à Marafa Hamidou Yaya

MARAF copie

Un blogueur camerounais écrit à l’ancien ministre de l’intérieur Marafa Hamidou Yaya, ex homme fort du sérail, qui purge actuellement une peine de 25 ans emprisonnement dans les locaux du Secrétariat d’Etat à la défense (SED) et s’affirme aujourd’hui comme opposant.

Monsieur,

Tout le plaisir est le mien de vous apostrophé par la présente activité épistolaire au sujet de votre détention et vos ambitions présidentielles. Il s’agit d’une réaction profane d’un jeune qui perçoit et vit l’opération dite épervier loin des logiques partisanes ou apprentis sorcières.

D’abord il y a une question qui peut tarauder l’esprit d’un jeune moyennement éclairé à savoir, qu’attendiez vous depuis votre érection en thuriféraire de monsieur Paul Biya (17 ans) pour séduire les camerounais par le projet d’alternance qui vous tient à cœur depuis votre séjour au SED. Vous me direz peut être que cette ambition était stratégiquement gardée au frais par peur pour les fougues de votre mentor. Si c’est le cas est ce à dire  que le président décapite tous ses rivaux ? Je pense que nous autres citoyens moyens n’avons aucune souvenance d’une telle Barbarie envers les ex collaborateurs du chef de l’Etat, pour preuve Messieurs Maurice Kamto et Garga Haman Hadji (ex ministres démissionnaires) qui, malgré les obstacles continuent encore à survivre politiquement comme rivaux de Biya.

Il me semble que les camerounais ne peuvent pas facilement vous pardonner le fait qu’il y ait eu un projet alternatif à l’intérieur du sérail mais qui continuait à rendre le régime Biya plus autoritairement démocratique. A titre illustratif,  vous étiez ministre de l’intérieur en 2008 quand les jeunes camerounais (plus de 48) qui ne revendiquaient que le pain quotidien avaient été massacrés à Douala. Peut être vous me direz une fois de plus que vous n’étiez pas responsable de l’ordre publique mais vous étiez quand même le patron des gouverneurs, préfets et sous préfets qui étaient sensés protéger du moins ces jeunes innocents.

Cette même année Monsieur Biya a consolidé son pouvoir éternitaire en levant le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Qu’avez-vous fait pour afficher votre solidarité avec le peuple qui s’est trouvé désarmé face à cette énième dictature ?

Monsieur Marafa, je crois sincèrement que votre ambition de mettre fin à un régime qui a 30 ans de pontificat est un acte salutaire mais il me semble qu’il vous a manqué une seule chose, le timing. Le temps choisi c’est-à-dire celui d’un prisonnier jette un doute sur la bonne foi de votre projet patriotique.

Ce qui laisserait échapper une forte haleine de tentative de manipulation de l’opinion, surtout que le peuple camerounais reste politiquement moutonnier à cause de sa faible culture politique. La naissance précipitée des « pro » et « anti » Marafa, sans que les uns et les autres aient le temps d’identifier les vraies priorités des camerounais, pourrait être liée à vos missives et consolider mon argument.

Ainsi dans une certaine perspective, vos lettres peuvent être effectivement perçues comme une technologie de désorientation et de désinformation des compatriotes. En effet vous cherchez à mettre exclusivement au devant de la scène le coté politique de votre emprisonnement et pourtant nul n’ignore que tous les hauts fonctionnaires camerounais excellent dans la prévarication. En d’autres termes, c’est comme si vous vous êtes attelé à décrédibiliser l’ « opération épervier » or le fond des arrestations des commis de l’Etat est bel et bien pertinent, surtout lorsqu’on essaie d’évaluer le train de vie princier des uns et des autres. De même que les liasses d’argent que les ministres dilapident généralement pour soutenir les campagnes du parti d’Etat, RDPC, un butin largement au dessus des salaires et avantages cumulés.

Je pense que, dire que vous ne devez rien au trésor public ne peut que faire de vous une exception dans une tanière de prévaricateurs. Ce qui est d’ailleurs imaginable mais la perception apriori d’un camerounais éveillé le contraint à prendre la distance vis-à-vis de votre éventuelle gestion angélique durant vos années de thuriférat. En tout cas, je fais confiance à la justice que Biya et vous avez érigée.

A propos de votre offre d’alternance, j’adhèrerais à ces nobles idéaux s’ils étaient portés et impulsés par un camerounais donc le combat politique n’est aucunement lié à ses embuscades judiciaires, c’est-à-dire une élite qui se démarque non pas par des règlements de comptes politiques par exemple mais par la conviction que un changement s’impose.

Votre vision du Cameroun, du fond de votre cellule, est un impératif pour l’émergence. Cependant il me semble qu’il faudrait un personnage au dessus de la mêlé pour l’incarner à moins que vous vous engagez humblement à présenter vos excuses au peuple camerounais tout entier et escompter une amnistie pour l’expression tardive de votre patriotisme. Non pas à cause de vos altercations avec la justice mais pour avoir eu une vision que vous avez gardé pendant 17 ans alors que le peuple avait soif d’un « dinosaure de votre carrure et carrière  pour évincer » Biya.

Je suis partiellement d’accord avec vous, monsieur Marafa que la main politique serait derrière vos 25 ans d’emprisonnement puisque certains des vôtres continuent à toiser la république malgré la toge criminelle (économique) qu’ils arborent fièrement. Seulement pouvez vous nous jurer de votre coté que vous n’avez aucune responsabilité dans l’appauvrissement des caisses de l’Etat ? Parce que dans l’imaginaire des jeunes camerounais il est difficile de croire à la sincérité d’un acolyte de Biya.

Il me semble que vous avez créé des conditions pour être politiquement abattu à bout portant.

Il est important que les « pro » et les « anti » ne perdent pas d’objectif en tentant de tribaliser le débat. D’ailleurs les politiciens africains ont compris qu’en surfant sur la fibre identitaire ils pourront facilement  mobiliser un capital sympathique, affectif et compassionnel afin d’inciter des innocents à une conquête du pouvoir sur fond de fratricide.

A mon humble avis la campagne de lutte contre le banditisme des apparatchiks du régime Biya dénommée « Opération épervier » est une épuration politique des élites qui ont effectivement détourné la sueur du contribuable camerounais.

Il est regrettable que tout un gouvernement se retrouve derrière les barreaux, mais si c’est le prix à payer pour rendre justice au peuple Camerounais victime, il serait souhaitable qu’on vous envoi également un président. Et comme vous l’avez si bien dit dans votre quatrième lettre: « Rendons justice à ces victimes. Car seule la justice nous permettra collectivement de bâtir une société de confiance ».

Monsieur Marafa, lorsque vous vous séjourniez à Garoua, quelle bilan faisiez vous de votre régime au vu de l’opulence dans lequel les élites continuaient à baigner, à coté des familles agglutinées dans des cabanes sous le poids du choléra ?

Je vous souhaite beaucoup de courage tout en espérant que l’avenir pourra vous donner une occasion de faire votre mea-culpa devant le peuple camerounais et bâtir enfin ensemble cette « société de confiance ».

Aristide Mono

 


Le conseil constitutionnel Camerounais ne sera qu’une autre « Poupée russe »

GRANDE PALABRELes propos sont de l’éminent constitutionnaliste camerounais Magloire Ondoa, agrégé de droit public, lors de la 32ème conférence de la grande palabre qui a eu lieu hier à l’hôtel Franco à Yaoundé sous le thème : La mise en place du conseil constitutionnel et son impact sur l’ordre constitutionnel camerounais.

Avant l’intervention de l’orateur principal, le socio politiste Mathias Eric Owona NGuini en guise d’ « échauffement » a brossé l’historique de la constitution camerounaise de 1960 à 1996 en passant par 1961 et 1972. Parmi ces trois constitutions et demie, seule celle de 1996, mieux la loi constitutionnelle de 1996 institue le conseil constitutionnel en son titre VIII. L’opportunité de l’avènement de ce conseil est sans doute la conséquence de la crise socio politique que connaissait le pays dans les années 90.

Après avoir déclaré la conférence nationale souveraine sans objet, le président Biya va mettre sur pied un comité technique de rédaction constitutionnelle en 1991, il sera remplacé en 1994 par le comité technique constitutionnel. Ce dernier rendra sa copie en décembre 1995 et le texte sera promulgué le 18 janvier 1996, avec l’une des grandes innovations, l’institution d’un conseil constitutionnel sous le model français de la 5ème République.

cependant, selon le Docteur Ampère Simo, il y a eu encore une indigénisation car à l’heure où la France est passé à un contrôle à postériori, le Cameroun s’est contenté du contrôle à priori rendant ainsi compliqué l’intervention du conseil entre l’adoption par le parlement et la promulgation. Alors le Journaliste-juriste Cabral Libi interrogera la nécessité de cet organe qui apparait à ses yeux comme une institution sans objet.

Pour apporter un peu plus d’éclaircissement au scepticisme de Cabral, quant au bien fondé ou simplement l’inutilité de cet organe, le professeur agrégé Magloire Ondoa va rentrer dans une analyse constitutionnelle approfondie pour conclure que ce conseil est une autre « poupée russe » c’est-à-dire une cosmétique de l’ « Etat spectacle » qu’est le Cameroun.

L’origine du conseil constitutionnel en Europe a été marquée par le débat entre les partisans du positivisme Kelsien et ceux du réalisme de Carl Schmitt. Pour l’autrichien Kelsen l’intégrité de la constitution doit être assurée par un organe indépendant à savoir le conseil constitutionnel. Pour le controversé Smitt, le président doit être le gardien de la constitution. A coup sûr le design institutionnel  de  façade de 1996 vise sous-terrainement à s’accrocher aux thèses de Schmitt, surtout que le prince de Yaoundé doit rester l’alpha et l’oméga de la Norma normarum.

Au Cameroun, le conseil constitutionnel somnole encore dans la politique de progressivité mentionnée à l’article 67 de la constitution. En attendant ce progressif éternitaire, la chambre constitutionnel de la cour suprême continue à statuer en lieu et place du conseil constitutionnel. Ce retard selon le professeur Agrégé de droit public relève de la « responsabilité politique et juridique » du potentat de la principauté de Yaoundé.

Il va regretter le fait que la démocratie soit « orpheline » d’une telle institution car la démocratie majoritaire est obsolète, et aujourd’hui toutes les vielles démocraties s’arriment à la démocratie constitutionnelle. Et celle-ci ne peut être effective sans un organe en charge de contrôle  de constitutionnalité des lois et également de l’appareil politique.

Il dira aussi que la chambre constitutionnelle de la cours suprême qui jusqu’ici joue le rôle du conseil constitutionnel ne se réveille que lors des contentieux électoraux et pourtant l’élection n’est qu’un compartiment parmi tant d’autres que doit s’occuper cet organe. Il conclura à cet effet qu’il faut attendre cinq ans pour ressentir la présence de cette chambre au Cameroun.

Par ailleurs sous la pression de la société civile et la communauté internationale, le président de la république avait déclaré tour à tour le 31 décembre 2012 et le 30 septembre que le conseil constitutionnel sera mis sur pied d’ici fin 2013. Alors 17 ans après la promulgation de la loi constitutionnel de 1996, sa mise en place continue à se conjuguer au futur. Cependant une seule interrogation se pose : quel sera l’impact de ce conseil sur l’ordre politique et constitutionnel camerounais ?

Pour le professeur Ondoa Magloire « le conseil constitutionnel n’apportera rien », à titre d’illustration l’alinéa 2 de l’article 47 stipule que le conseil peut être saisi par un tiers des députés, donc 60 sur les 180, or les députés de l’opposition sont à peine 32 au parlement. Par conséquent, face au 148 élus du parti hégémonique encapsulés dans la discipline du parti, l’opposition ne peut pas saisir le conseil, d’où la paralysie de son impact. Le conseil a été constitutionnellement mutilé et anesthésié de telle sorte qu’il n’y a rien à attendre  dans le changement des mœurs constitutionnelles au Cameroun.

En outre la loi créant Elecam (organe en charge des élections) trempe cette institution dans l’illégalité puisqu’elle empiète sur le champ de compétence du conseil constitutionnel définie par la loi fondamental en son article 48 à savoir qu’il « Veille à la régularité de l’élection » quelque soit sa nature.

Une autre incongruité de cet organe est la loi de 2008 modifiant les dispositions de l’article 51 de la constitution qui précisait que les membres du conseil sont désignés pour un mandat de neuf ans non renouvelable.  En effet cette loi à ramener le mandat à 6 ans éventuellement renouvelable, ce qui réduit l’indépendance des membres qui seront le moment venu, tentés de faire allégeance au bienfaiteur qui va les nommer, chacun militant pour une éventuelle reconduction après 6 ans.

En somme nous avons une fois de plus mal singé la France, certes l’intention de De Gaule, en mettant sur pied le conseil constitutionnelle sous la 5ème république, était de museler le parlement et protéger son pouvoir, mais ce conseil va se rebeller et exiger en 1985 que le contrôle aille au-delà des lois pour s’étendre sur le pouvoir exécutif. On est passé aussi d’un contrôle à priori à un contrôle à postériori.

Pour conclure l’absence d’un conseil constitutionnel hypothèque la pertinence de la loi fondamentale, «parler de constitution sans un conseil constitutionnel est une hérésie », elle devient tout simplement « un chiffon ».

 

 

 


Le système LMD a été singé et indigénisé au Cameroun

Entrés à l’université de Yaoundé 2 en 2007, les élèves de la  première promotion du système LMD, aujourd’hui en master 2 soutiendront leurs travaux de mémoire en fin 2014 si les choses s’accélèrent. Environ 8 ans pour espérer décrocher son master 2 soit 3 ans de plus par rapport à l’esprit du système originel. En Afrique dès qu’on exporte, on tronque et on tropicalise.

Le système licence, master, doctorat est entré en vigueur à l’université de Yaoundé 2 en 2007 avec un double objectif : celui de la professionnalisation des enseignements donc des diplômés afin d’accroître leur compétitivité sur le marché de l’emploi et celui de l’accélération des cursus académiques. Aujourd’hui, on a plutôt droit à l’inverse, certains universitaires révoltés prônent un retour à l’ancien système. En effet les étudiants sont devenus de plus en plus moins lotis et la distance entre la première année licence et le doctorat est de 12 ans pour les plus chanceux. Il doit avoir tout dans ce système LMD made in Cameroun sauf une intention de professionnaliser les enseignements qui devraient être à la fois théoriques et pratiques.

Le cadre infrastructurel est le premier obstacle pour l’université de Yaoundé 2 qui continue à agglutiner plus de 2500 étudiants dans un amphithéâtre de 1000 places. La seule bibliothèque de cet établissement paraît exiguë, moins de 50 places et son livre le plus récent doit dater de 2001. Les cités universitaires se conjuguent dans un futur éternel, les étudiants, à la merci des spéculateurs immobiliers, logent chez les particuliers. La majorité squatte dans les chambres ghettoïsées de 8 000 F par mois, à côté d’une minorité, fils de « Bigmen », qui résident dans les chambres de 600 000 F Cfa l’année. Les enseignants de cette université en majorité carriéristes sont loin d’être des scientifiques de vocation, mais par défaut. Ils sont généralement issus des cuvées de chanceux qui ont eu l’opportunité de fuir la précarité du pays pour se diplômer en Europe. Leur ego oscille entre orgueil et opulence. Rares sont ceux d’entre eux qui n’accumulent pas plus de trois salaires à la fois, d’ailleurs certains sont des conseillers spéciaux du chef de l’Etat.

Le rendement de ces carriéristes ne peut être que médiocre : le suivi des étudiants est bâclé, les programmes se limitent aux introductions générales, certains professeurs sont fantômes, mais évaluent néanmoins les étudiants sur la base d’un seul chapitre polycopié ou envoyé par Mail depuis une capitale européenne. Bref les enseignants en majeure partie sont plus préoccupés par des affaires extrascientifiques. Cet état de choses peut ne pas être sans impact sur ces étudiants qui vivent un LMD d’un autre genre. Ils bénéficient de la politique paresseuse de « promotion collective » qui les maintient en dessous des performances escomptées d’un LMD non singé. La majorité d’entre eux glanent leur master, par exemple en science politique, sans lire la première de couverture du Prince de Machiavel, Le Savant et le politique de Max Weber ou Le capital de Karl Marx. Chacun s’adapte à sa manière à ce manque de sérieux ainsi, à défaut d’attendre impatiemment la réussite à un concours, les étudiants se livrent à tous genres d’activités, qu’elles soient licites ou illicites. Le système LMD est alors corrompu et n’a aucune valeur ajoutée sur le cursus académique.

La quantité congrue et marginale des étudiants qui garde encore une fine affection pour la science et croit en elle bute sur des lenteurs du système. A titre d’exemple ; la promotion des masters 2 sciences politiques de 2007 a obtenu le master 1 en 2011, ils ont candidaté pour le master 2 en novembre 2011, les résultats de la sélection ont été affichés en mars 2012, les cours ont débuté en mai 2012, en septembre les cours ont été suspendus par le doyen et repris timidement en décembre 2012. En avril 2013, il n’y avait plus pratiquement aucun professeur dans les amphithéâtres. Il sont passés aux écrits terminaux en septembre 2013. Jusqu’à ce jour les notes restent attendues, la session de rattrapage et la rédaction des travaux de mémoire sont fixées aux « calendes bantoues ». Bref après le master 1, il faut encore patienter jusqu’à 4 ans pour espérer obtenir le master 2.

Par ailleurs, les étudiants sont confrontés aux problèmes de documentation, aux problèmes de suivi, car les enseignants passent plus de temps dans les bureaux et en Europe, certains mettent sur pied leurs propres instituts où la scolarité est élevée à plus d’un million de F Cfa largement au-dessus des 50 000 qui sont exigés dans les universités d’Etat. L’accès à l’information reste un calvaire pour les jeunes chercheurs qui, à 80 % versent dans le plagia afin de surmonter les obstacles d’un système indigénisé.

Enfin de compte, on se retrouve avec un bilan totalement désastreux, nous n’avons ni de docteurs de moins de trente-cinq ans, ni de diplômés professionnalisés et compétitifs en dehors des miraculés et ceux qui empruntent des réseaux parallèles.

On peut conclure tout simplement qu’en Afrique en général et au Cameroun en particulier on excelle dans le cosmétique pour donner, dans le cas d’espèce, l’illusion d’un LMD qui au fond n’est qu’un vernissage pour se conformer frauduleusement aux standards internationaux.


Cameroun: Des études de droit aux travaux champêtres: la faillite de l’Etat

Nombreux sont des licenciés aux Cameroun qui finissent photocopieurs, call boxeurs (gérants de cabines téléphoniques ambulants), conducteurs de motos ou tout simplement vendeurs à la sauvette. Il s’agit d’un manque de politique d’insertion socioprofessionnelle des diplômés. Suivez l’histoire de Joseph Ayissi détenteur d’une maitrise en droit des affaires.

Né le 8 avril 1988 à Ekal-Minkoul, village situé à 67 km de Yaoundé, Ayissi Joseph arrive à Soa une banlieue de Yaoundé pour y suivre les études de droits à l’université de Yaoundé 2.  Face à l’absence de cité universitaire, il va poser ses valises au village Tsinga (à 7 km du Campus) dans la baraque d’un oncle du village Gendarme, baraque jadis réservée aux gardiens de son terrain. Ayissi va cumuler à la fois ses exigences académiques et l’entretient du domaine dudit oncle.

Au bout de 04 ans il obtient une maitrise en droits des affaires et vu l’insuffisance des moyens financiers il va mettre fin à son cursus académique afin de se concentrer sur les concours administratifs qu’il va financer avec les retombés de ses petites activités agricoles. Etudiant solitaire,  Ayissi Joseph échoue à tous les concours et toutes ses demandes d’emploi déposées ci et là restent infructueuses. Se distinguant par son dynamisme et sa détermination, il se trouve désormais dans la peau d’un paysan dans ce petit village où il pensait juste être de passage en attendant décrocher un emploi.

Après avoir pris quelques hectares en location, il va développer sans un quelconque soutien, la culture du piment, du manioc et du maïs avec une expertise dérisoire et des moyens matériels très faibles pour ce diplômé. Il est désormais obligé de se refugier derrière les travaux champêtres devant le verrouillage de l’accès à la fonction publique.

Alors, quelle analyse faire de cette narration pathétique d’Ayissi Joseph qui est un cas parmi tant d’autres au Cameroun ? Il faut dire que :

–           L’offre d’emploi dans la fonction publique est rachitique et les maigres postes pouvant être disponibles sont cumulés par les mêmes individus qui se trouvent parfois en même temps ministres, PCA et enseignants d’université. Cet état de chose est soutenu par une corruption ambiante qui conditionne la réussite à un concours ou un recrutement au monnayage, au trafic d’influence et à la cooptation affective ou parentale. Ce qui amoindrie toute chance pour un démuni sans capital relationnel de décrocher un emploi.

 

–           La politique académique n’arrime pas les formations à la demande, ce qui crée une inadéquation entre les emplois disponibles, accessibles et les profils des postulants. A ceci se greffe la problématique de l’orientation académique qui ne tient pas compte des besoins de l’heure. Près de 23000 étudiants sont inscrit chaque année en cycle licences de l’université de Yaoundé 2 pour un pays de 20 000 000 qui compte moins de 500 000 fonctionnaires.

 

–          Il y a également la bureaucratisation des emplois dans la mesure où le niveau de vie des employés de la fonction publique, excellant dans la prévarication,  est présenté aux jeunes comme l’unique chance de gagner sa vie, faisant ainsi de l’informel un secteur subalterne et dévalorisant. C’est la promotion des porteurs de cravates. Ainsi les activités comme l’agriculture restent perçues comme une forme de ruralité.

 

–          Le secteur informel ne fait pas l’objet d’un soutien avéré du gouvernement, les rares déclarations d’intention des détenteurs du pouvoir manque de matérialisation d’où par exemple le chemin solitaire que mène Ayissi Joseph dans la conversion de sa maitrise en droit des affaires en agriculteur.

A défaut de trouver des emplois aux jeunes, il faudrait les rendre auto employeurs avec un appui technique et logistique de l’Etat. Aussi serait-il louable de les orienter dans les formations professionnelles au lieu de continuer de se contenter de 09 universités d’Etat d’enseignement général contre zéro université technique en dehors des écoles de formation qui exige une réussite à un concours. Et qui dit concours au Cameroun dit émasculation de la méritocratie, promotion du favoritisme et tractations souterraines.