Le conseil constitutionnel Camerounais ne sera qu’une autre « Poupée russe »

Article : Le conseil constitutionnel Camerounais ne sera qu’une autre « Poupée russe »
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29 novembre 2013

Le conseil constitutionnel Camerounais ne sera qu’une autre « Poupée russe »

GRANDE PALABRELes propos sont de l’éminent constitutionnaliste camerounais Magloire Ondoa, agrégé de droit public, lors de la 32ème conférence de la grande palabre qui a eu lieu hier à l’hôtel Franco à Yaoundé sous le thème : La mise en place du conseil constitutionnel et son impact sur l’ordre constitutionnel camerounais.

Avant l’intervention de l’orateur principal, le socio politiste Mathias Eric Owona NGuini en guise d’ « échauffement » a brossé l’historique de la constitution camerounaise de 1960 à 1996 en passant par 1961 et 1972. Parmi ces trois constitutions et demie, seule celle de 1996, mieux la loi constitutionnelle de 1996 institue le conseil constitutionnel en son titre VIII. L’opportunité de l’avènement de ce conseil est sans doute la conséquence de la crise socio politique que connaissait le pays dans les années 90.

Après avoir déclaré la conférence nationale souveraine sans objet, le président Biya va mettre sur pied un comité technique de rédaction constitutionnelle en 1991, il sera remplacé en 1994 par le comité technique constitutionnel. Ce dernier rendra sa copie en décembre 1995 et le texte sera promulgué le 18 janvier 1996, avec l’une des grandes innovations, l’institution d’un conseil constitutionnel sous le model français de la 5ème République.

cependant, selon le Docteur Ampère Simo, il y a eu encore une indigénisation car à l’heure où la France est passé à un contrôle à postériori, le Cameroun s’est contenté du contrôle à priori rendant ainsi compliqué l’intervention du conseil entre l’adoption par le parlement et la promulgation. Alors le Journaliste-juriste Cabral Libi interrogera la nécessité de cet organe qui apparait à ses yeux comme une institution sans objet.

Pour apporter un peu plus d’éclaircissement au scepticisme de Cabral, quant au bien fondé ou simplement l’inutilité de cet organe, le professeur agrégé Magloire Ondoa va rentrer dans une analyse constitutionnelle approfondie pour conclure que ce conseil est une autre « poupée russe » c’est-à-dire une cosmétique de l’ « Etat spectacle » qu’est le Cameroun.

L’origine du conseil constitutionnel en Europe a été marquée par le débat entre les partisans du positivisme Kelsien et ceux du réalisme de Carl Schmitt. Pour l’autrichien Kelsen l’intégrité de la constitution doit être assurée par un organe indépendant à savoir le conseil constitutionnel. Pour le controversé Smitt, le président doit être le gardien de la constitution. A coup sûr le design institutionnel  de  façade de 1996 vise sous-terrainement à s’accrocher aux thèses de Schmitt, surtout que le prince de Yaoundé doit rester l’alpha et l’oméga de la Norma normarum.

Au Cameroun, le conseil constitutionnel somnole encore dans la politique de progressivité mentionnée à l’article 67 de la constitution. En attendant ce progressif éternitaire, la chambre constitutionnel de la cour suprême continue à statuer en lieu et place du conseil constitutionnel. Ce retard selon le professeur Agrégé de droit public relève de la « responsabilité politique et juridique » du potentat de la principauté de Yaoundé.

Il va regretter le fait que la démocratie soit « orpheline » d’une telle institution car la démocratie majoritaire est obsolète, et aujourd’hui toutes les vielles démocraties s’arriment à la démocratie constitutionnelle. Et celle-ci ne peut être effective sans un organe en charge de contrôle  de constitutionnalité des lois et également de l’appareil politique.

Il dira aussi que la chambre constitutionnelle de la cours suprême qui jusqu’ici joue le rôle du conseil constitutionnel ne se réveille que lors des contentieux électoraux et pourtant l’élection n’est qu’un compartiment parmi tant d’autres que doit s’occuper cet organe. Il conclura à cet effet qu’il faut attendre cinq ans pour ressentir la présence de cette chambre au Cameroun.

Par ailleurs sous la pression de la société civile et la communauté internationale, le président de la république avait déclaré tour à tour le 31 décembre 2012 et le 30 septembre que le conseil constitutionnel sera mis sur pied d’ici fin 2013. Alors 17 ans après la promulgation de la loi constitutionnel de 1996, sa mise en place continue à se conjuguer au futur. Cependant une seule interrogation se pose : quel sera l’impact de ce conseil sur l’ordre politique et constitutionnel camerounais ?

Pour le professeur Ondoa Magloire « le conseil constitutionnel n’apportera rien », à titre d’illustration l’alinéa 2 de l’article 47 stipule que le conseil peut être saisi par un tiers des députés, donc 60 sur les 180, or les députés de l’opposition sont à peine 32 au parlement. Par conséquent, face au 148 élus du parti hégémonique encapsulés dans la discipline du parti, l’opposition ne peut pas saisir le conseil, d’où la paralysie de son impact. Le conseil a été constitutionnellement mutilé et anesthésié de telle sorte qu’il n’y a rien à attendre  dans le changement des mœurs constitutionnelles au Cameroun.

En outre la loi créant Elecam (organe en charge des élections) trempe cette institution dans l’illégalité puisqu’elle empiète sur le champ de compétence du conseil constitutionnel définie par la loi fondamental en son article 48 à savoir qu’il « Veille à la régularité de l’élection » quelque soit sa nature.

Une autre incongruité de cet organe est la loi de 2008 modifiant les dispositions de l’article 51 de la constitution qui précisait que les membres du conseil sont désignés pour un mandat de neuf ans non renouvelable.  En effet cette loi à ramener le mandat à 6 ans éventuellement renouvelable, ce qui réduit l’indépendance des membres qui seront le moment venu, tentés de faire allégeance au bienfaiteur qui va les nommer, chacun militant pour une éventuelle reconduction après 6 ans.

En somme nous avons une fois de plus mal singé la France, certes l’intention de De Gaule, en mettant sur pied le conseil constitutionnelle sous la 5ème république, était de museler le parlement et protéger son pouvoir, mais ce conseil va se rebeller et exiger en 1985 que le contrôle aille au-delà des lois pour s’étendre sur le pouvoir exécutif. On est passé aussi d’un contrôle à priori à un contrôle à postériori.

Pour conclure l’absence d’un conseil constitutionnel hypothèque la pertinence de la loi fondamentale, «parler de constitution sans un conseil constitutionnel est une hérésie », elle devient tout simplement « un chiffon ».

 

 

 

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