Cameroun: Des études de droit aux travaux champêtres: la faillite de l’Etat

Article : Cameroun: Des études de droit aux travaux champêtres: la faillite de l’Etat
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25 novembre 2013

Cameroun: Des études de droit aux travaux champêtres: la faillite de l’Etat

Nombreux sont des licenciés aux Cameroun qui finissent photocopieurs, call boxeurs (gérants de cabines téléphoniques ambulants), conducteurs de motos ou tout simplement vendeurs à la sauvette. Il s’agit d’un manque de politique d’insertion socioprofessionnelle des diplômés. Suivez l’histoire de Joseph Ayissi détenteur d’une maitrise en droit des affaires.

Né le 8 avril 1988 à Ekal-Minkoul, village situé à 67 km de Yaoundé, Ayissi Joseph arrive à Soa une banlieue de Yaoundé pour y suivre les études de droits à l’université de Yaoundé 2.  Face à l’absence de cité universitaire, il va poser ses valises au village Tsinga (à 7 km du Campus) dans la baraque d’un oncle du village Gendarme, baraque jadis réservée aux gardiens de son terrain. Ayissi va cumuler à la fois ses exigences académiques et l’entretient du domaine dudit oncle.

Au bout de 04 ans il obtient une maitrise en droits des affaires et vu l’insuffisance des moyens financiers il va mettre fin à son cursus académique afin de se concentrer sur les concours administratifs qu’il va financer avec les retombés de ses petites activités agricoles. Etudiant solitaire,  Ayissi Joseph échoue à tous les concours et toutes ses demandes d’emploi déposées ci et là restent infructueuses. Se distinguant par son dynamisme et sa détermination, il se trouve désormais dans la peau d’un paysan dans ce petit village où il pensait juste être de passage en attendant décrocher un emploi.

Après avoir pris quelques hectares en location, il va développer sans un quelconque soutien, la culture du piment, du manioc et du maïs avec une expertise dérisoire et des moyens matériels très faibles pour ce diplômé. Il est désormais obligé de se refugier derrière les travaux champêtres devant le verrouillage de l’accès à la fonction publique.

Alors, quelle analyse faire de cette narration pathétique d’Ayissi Joseph qui est un cas parmi tant d’autres au Cameroun ? Il faut dire que :

–           L’offre d’emploi dans la fonction publique est rachitique et les maigres postes pouvant être disponibles sont cumulés par les mêmes individus qui se trouvent parfois en même temps ministres, PCA et enseignants d’université. Cet état de chose est soutenu par une corruption ambiante qui conditionne la réussite à un concours ou un recrutement au monnayage, au trafic d’influence et à la cooptation affective ou parentale. Ce qui amoindrie toute chance pour un démuni sans capital relationnel de décrocher un emploi.

 

–           La politique académique n’arrime pas les formations à la demande, ce qui crée une inadéquation entre les emplois disponibles, accessibles et les profils des postulants. A ceci se greffe la problématique de l’orientation académique qui ne tient pas compte des besoins de l’heure. Près de 23000 étudiants sont inscrit chaque année en cycle licences de l’université de Yaoundé 2 pour un pays de 20 000 000 qui compte moins de 500 000 fonctionnaires.

 

–          Il y a également la bureaucratisation des emplois dans la mesure où le niveau de vie des employés de la fonction publique, excellant dans la prévarication,  est présenté aux jeunes comme l’unique chance de gagner sa vie, faisant ainsi de l’informel un secteur subalterne et dévalorisant. C’est la promotion des porteurs de cravates. Ainsi les activités comme l’agriculture restent perçues comme une forme de ruralité.

 

–          Le secteur informel ne fait pas l’objet d’un soutien avéré du gouvernement, les rares déclarations d’intention des détenteurs du pouvoir manque de matérialisation d’où par exemple le chemin solitaire que mène Ayissi Joseph dans la conversion de sa maitrise en droit des affaires en agriculteur.

A défaut de trouver des emplois aux jeunes, il faudrait les rendre auto employeurs avec un appui technique et logistique de l’Etat. Aussi serait-il louable de les orienter dans les formations professionnelles au lieu de continuer de se contenter de 09 universités d’Etat d’enseignement général contre zéro université technique en dehors des écoles de formation qui exige une réussite à un concours. Et qui dit concours au Cameroun dit émasculation de la méritocratie, promotion du favoritisme et tractations souterraines.

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Commentaires

nkoa awono jean pierre
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une situation qui révèle la débâcle de la politique d'insertion socio-professionnelle de la jeunesse camerounaise couplée à cela l'inadéquation entre les enseignements reçus et le marché de l'emploi. Ayissi et beaucoup d'autres jeunes payent le prix de la cécité d'une élite à la carrure ploutocrate inscrite à l'école de la bureaucratie classique, imbécile et qui souffre d'obésité encapsuleuse à l'inertie

Aristide MONO
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Le recrutement des 25000 était une autre farce pour contrer l'effet contagion du printemps arabe. les économistes comme TSAFACK NAN FOTSO avaient estimés que le gouvernement pouvait faire mieux pour absorber la masse de chômeurs camerounais. pour eux, la ressource permettait un recrutement de 75 000 jeunes minimum. hélas rien!