Cameroun: leçons d’une démocratisation escargot

27 octobre 2013

Cameroun: leçons d’une démocratisation escargot

Le double scrutin législatif et communal a permit aux observateurs avertis de la scène politique camerounaise de comprendre que depuis l’avènement du pluripartisme le processus démocratique avance à pas d’escargot. De la campagne à la publication en passant par le vote en lui-même les choses évoluent très lentement.

rfi   Sur les starting-blocks 29 partis pour les législatives et moins de 34 pour les communales (sur près de 201 partis politiques que compte le Cameroun) avec le RDPC comme super favoris.  Néanmoins nul doute depuis les présidentielles de 1992 qu’on assiste à une concurrence déloyale. D’un coté un parti au pouvoir, mieux un parti Etat, qui contrôle la technostructure administrative et qui se sucre des ressources de l’Etat, et en face une opposition essoufflée, mal organisée, à court d’idées face à la machine électorale du RDPC.

La campagne avait débuté timidement le 15 septembre, d’abord du fait du financement qui tardait à tomber du coté de l’Etat, ensuite du sentiment d’une élection déjà pliée d’avance et enfin du désenchantement politique par la population fatiguée des discours politiques proches du  bla-bla.

Cependant la fin de la campagne va connaitre une intensité considérable notamment dans la région du Nord avec l’impact redouté de l’arrestation auparavant de certains apparatchiks de Garoua (Iya Mohamed ET Marafa). Et aussi, l’entrée en scène de la fille de l’ancien président Amadou Ahidjo au compte du RDPC, une pure star politique à la hollywoodienne ! Malgré que cette entrée soit perçue comme une relation incestueuse entre la famille Ahidjo exilée au Sénégal et le régime Biya ; d’où la colère de certains nordistes et la création d’un front clandestin Anti-Aminatou baptisé « Aminatou Tu Mens » (ATM). Un groupe qui va se lancer dans le vandalisme et autres actes d’intimidation à l’endroit de cette dernière.

Dans la même veine la libération de l’ancienne ministre de l’éducation de base Haman Adama qui jusque là  « purgeait » depuis le 06 janvier 2010 une détention préventive à la prison centrale de Yaoundé sera également un temps fort de cette campagne. Elle sera dépêchée par  jet privé par Biya pour rejoindre aminatou Ahidjo. Une détenue qui venait de rembourser le corps du délit (360 000 000 de FCFA qu’elle avait détournée) et qui se présente immédiatement devant les électeurs sans un brun de pudeur politique !!! Où était donc la morale politique dans cette histoire ?

Bref la campagne s’est déroulée avec ses actes d’antijeu habituels: un accès à l’espace médiatique très réduit pour les partis d’opposition, une caporalisation du seul média d’Etat, la « Cameroun Radio And Télévision »,  par le parti hégémonique, abandon du service public par tous les ministres, directeurs généraux, hauts cadre de l’administration… etc. Les programmes n’ont pas été mis en avant mais plutôt l’image totémique de M Biya pour ce qui était du RDPC et le « Biya must go » pour les partis d’opposition.

Si on peut se vanter du calme qui a régné, il faut remercier la forte militarisation du pays le jour du vote. Les cartes électorales étaient biométriques mais curieusement le vote n’était pas biométrique, une vraie informatisation tropicalisé du fichier électoral ! L’on a constaté le rite habituel de fraude : achat des voix à travers le marchandage des bulletins de vote, le bourrage des urnes, l’encre non indélébile d’où les votes multiples, entre autre la falsification des procès verbaux…..

Au Cameroun les tendances ne sont jamais publiées depuis l’entrée en vigueur du nouveau code électorale. Ainsi, il a fallut attendre le 17 octobre pour avoir les résultats des législatives par le conseil constitutionnelle qui auparavant avait déjà rejeté tous les recours en annulation introduits  par les partis. Au final, pour ce qui est des législatives, le RDPC a remporté à la russe 148 sièges contre 32 pour l’ « opposition » à savoir : 18 pour le SDF, 05 pour l’UNDP, 04 pour l’UDC, 03 pour l’UPC, 01 pour le MRC et 1 siège pour le MDR.

Malgré les écarts et égarements observés, il y a quand même lieu de préciser que ces élections ont été les plus transparentes que le Cameroun n’ait jamais organisées tout en saluant un saut quantitatif dans le respect du genre à l’Assemblée Nationale. Le taux de représentation des femmes dans cette institution est passé de 13% (en 2007) à 31% (2013).

Des avancées timides qui permettent néanmoins à Biya de séduire la communauté internationale et de masquer les lenteurs du processus démocratique au Cameroun.

Hommage à l’Honorable Oscar Awafa député suppléant de Santchou dont le corps sans vie a été retrouvé dans son appartement le jour de la proclamation des résultats des législatives aux environs de 11H.

 

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Commentaires

monesson therese
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c'est vraiment curieux de savoir que ,malgré un effort d'informatisatisation du fichier électoral,d'aucun ait quand même trouver des moyens de contournements pour pouvoir frauder pendant ces élections,comme quoi les mauvaises habitudes ont la peau dure.

monesson therese
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une fois de plus le système électorale camerounais reste peu convaincant en matière d'objectvité. de plus la faible socialisation politique et l'absence notoire de culture politique des électeurs concourent davantage à confiner la démocratie au cameroun au stade embryonaire.parce que un citoyen qui ne maitrise pas déjà la procédure de vote est le moins à même de pouvoir faire un vote objectif,car ne mesure pas assez les enjeux de cet acte.