Aristide MONO

« Tontinars » et « Sardinars »: Héritage linguistique et conflitogène de la dernière élection présidentielle au Cameroun

Les récents mouvements de la diaspora camerounaise à Genève contre le séjour suisse du président de la république Paul Biya, menés par la Brigade Anti Sardinars (Bas), ont remis au goût du jour l’ethnicisation du débat politique au Cameroun et des tensions y relatives entre <<Beti>> et <<Bamiléké>> 

L’espace politique Camerounais s’est enrichi lors de la dernière présidentielle de deux néologismes a priori banals mais révélateurs d’un manichéisme politique sous fond de tension et d’instrumentalisation ethniques.  Il s’agit des expressions « Tontinars » et « Sardinars ». Le premier terme désigne les forces oppositionnelles dont la désormais figure de proue est le professeur Maurice Kamto, président du mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) , aujourd’hui incarcéré. Le deuxième terme fait référence aux sympathisants de l’ordre dirigeant tenu par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir du président Paul Biya. Si ces néo identités peuvent s’inscrire dans une certaine vulgarité  politique africaine caractérisée par des formes de tropicalisation du lexique politique, il reste qu’elles trahissent l’état inachevé des processus d’interpénétration communautaires, plus précisément ethniques, initiés sous la forme de politiques d’intégration nationale dont la vocation est l’institution d’un communalisme ou d’un sentiment de vivre ensemble.  En d’autres termes, ces deux expressions, au-delà de leurs connotations idéologiques (clivages opposants-tenanciers du pouvoir) entretiennent un usage politique des ethnies des deux leaders, adversaires politiques sus nommés.

Fondement des deux innovations linguistiques

D’abord le mot «Tontinar ». Il s’inspire de la « tontine » qui est un mode villageois d’organisation économique et financière dans lequel excellent les populations de l’ouest du pays trivialement appelé « Bamiléké ». Pour les promoteurs de cette terminologie dont l’universitaire Mathias Eric Owono Nguini, le Mrc qui a pour leader originaire de l’Ouest-Cameroun (localité de Baham) est le parti des Bamiléké (Tontinars) qui s’investiraient dans une conquête ethno-fasciste du pouvoir présidentielle. Ensuite le mot « Sardinar ». il s’affirme comme une riposte au cantonnement péjoratif du Mrc dans les prétentions ethno-fascistes. Concrètement, pour les instigateurs tels les cyber-activistes Boris Berthold et Paul Chouta, les « Sardinars » catégorisent le Rdpc avec pour leader Paul Biya,  Beti, accusé d’avoir prospérer dans l’accaparement ethniques du pouvoir suprême depuis 1982. Le terme « Sardine » tient son étymologie ici du « pain-sardine » symbole de la manducation au cœur des pratiques corruptives de l’électorat et historiquement prisées par le RDPC. Bref de part et d’autres des deux tendances se trouvent alimentés les replis ethno-tribaux. Cette polarisation politique nourrit aux résidus ethniques ne se limitent pas dans des conjectures analytiques, elle trouve sa manifestation dans une concrétude observable dont l’un des sites d’expérimentation est l’espace cybernétique, notamment les réseaux sociaux où se fermente et se sédimente une conscience politique carburée aux replies ethniques. Il y a par exemple des groupes facebook tels « le Cameroun c’est le Cameroun » et « les Betis se disent tout » qui fructifient au quotidien les défiances verbales voire des dénigrements réciproques entre Bamiléké et Beti. Ces antagonismes se sont manifestés dans les dernières émeutes de Genève planifiées et exécutées par le Brigade anti Sardinars (taxée de Pro Kamto / Pro Bamiléké) contrecarrée par la Brigade anti Tontinars encore appelé Brigade des patriotes (taxée de Pro Biya / Pro Beti).

Des contentieux politicoethniques sécularisés

Par ailleurs il serait naïf de distancier ces recours à l’ethno-tribalisme dans la compétition politique du macrocosme sociopolitique camerounais travaillé lui-même par des relents tribalistes permanents quoique latents. Ceci rend compte de la faillite globale de la construction de l’Etat-Nation domptée par l’Etat-tribus ou l’Etat-Ethnies. D’ailleurs, la société accumule des arriérés de « règlement de compte politique » sous fond de replis identitaires :  nous avons le ressentiment nordique lié à la perte du pouvoir du premier président Camerounais Ahidjo originaire du Nord, alors couvre sous la cendre une revanche nordique, nous avons légalement la question anglophone posée aujourd’hui sous une forme insurrectionnelle armée. Et enfin l’éternelle question Bamiléké ou Bassa dont certaines consciences continuent d’héberger avec les tristes souvenirs de l’extermination au napalm en 1962 à cause de leur investissement dans les luttes nationaliste. Bref la mosaïque d’ethnies au Cameroun n’empêche l’amplification des antagonismes politiques communautaristes entre d’une part les trois grands complexes ethniques du pays (Bamiléké, Betis, Nordistes) et d’autres part les deux grands complexe linguistiques (Francophones, Anglophones). Alors, partant de l’hypothèse selon laquelle la quasi-totalité des guerres infra étatiques en Afrique s’abreuvent des résidus ethniques et confessionnels ; partant également de l’hypothèse des tensions de succession au Cameroun, il y a lieu de redouter des violences intercommunautaires sanglantes. Que peut faire le président Biya dont la l’âge (86 ans) et la longévité au pouvoir (37 ans) augurent le crépuscule d’un destin présidentiel?

Domestiquer les tensions politico-ethniques

 On est naturellement dans le bal des finissants, or les posologies applicables à des cas de tensions intercommunautaires commandent un temps plus long car il s’agit avant tout d’un projet d’insertion dans l’éthos communautaire d’un habitus de vivre ensemble. Ceci étant, on ne peut que prescrire, indépendamment de l’homme, quelques esquisses de politiques publiques de lutte contre l’apologie du tribalisme surtout dans le champ politique. Le premier levier est le facto-méthodologisme qui consiste à reconnaitre le fait (la tribalisation de notre société) et en produire une méthode d’éradication. Ensuite il faut élaborer des mesures concrètes. Il y a des mesures structurelles qui exigent l’investissement plus poussé des appareils idéologiques de l’Etat que sont les écoles, les églises et les médias dans la socialisation des masses au vivre ensemble et dans la promotion de hygiène publique qui promeut la censure puis l’autocensure de toute actes de stigmatisation identitaire, cela étant accompagné d’une certaine pénalisation des dérives ethniques. Il y a également la lutte contre la pauvreté, en effet certaines communautés ethniques  justifient leur enclavement social et économique par la stigmatisation planifiée des ethnies hégémoniques. Cette appréhension parfois légitime est confortée par la marginalisation de ces communautés ethniques dans le partage des ressources politico administratives du pays. Il est admis dans le contexte camerounais que le pouvoir politico-administratif est producteur de rentes économiques et financières, un instrument par excellence d’accumulation des utilités de survie. Dans une telle disposition mentale, la conscience ethnique érigée en ressource politique devient une ressource de conquête des biens matériels d’où l’exigence d’un partage équitable du national-cake.

                      Aristide Mono


CAMEROUN: Lutte armée sécessionniste anglophone, comment sortir par le dialogue

Si j’étais un conseiller du président voici ce que je lui dirais. 

Au vu de la complexité et du caractère aussi global du problème à résoudre, le dialogue doit porter sur la situation socio politique générale du Cameroun parce que la crise anglophone et d’autres ennuis sécuritaires que connait le pays ont pour dénominateur commun, la crise hégémonique de l’Etat. Ceci signifie que son modèle et ses pratiques ne rencontrent plus chez certains une réelle adhésion d’où l’urgence d’une discussion large sur sa refonte et sa gouvernance au-delà de la question « anglophone ». Ce débat aura ce grand avantage de prévenir une fois l’explosion des crises en gestation. Seulement cette extension du dialogue ne doit pas banaliser le problème spécifique anglophone à l’origine dudit dialogue au risque de frustrer les entrepreneurs de la crise et compromettre leur disponibilité. Bref, le dialogue doit s’étendre sur des préoccupations nationales de l’Etat en désagrégation  mais à l’issue d’un dialogue spécial sur le contentieux politique historique anglophone.

La forme et les points à aborder dans le cadre de ce dialogue

Il est déjà important d’organiser les discussions à deux niveaux. Un premier, intra-anglophone pour agréger les tendances fortes des différentes positions et propositions des populations dites anglophones sur la crise. Ceci permettra de mettre à rude épreuve la légitimité clamée des sécessionnistes. Un deuxième, national. Il doit permettre à la nation de se prononcer sur les conclusions du débat intra anglophone ne pouvant pas être résolues par le gouvernement parce que ne relevant pas de sa compétence –  par exemple la forme de l’Etat – et parce que portant sur des préoccupations du reste des aires sociologiques du pays. Ceci étant, la forme et les points du dialogue doivent obéir à ces deux échelles de discussions suivant des formes informelles et formelles. Le dialogue informel, qu’on peut qualifier de tractations de coulisses, qui est déjà d’ailleurs engagé par le gouvernement, doit permettre d’identifier les participants pertinents au débat entre anglophones et les termes des échanges formels. Le dialogue formel quant à lui doit au niveau intra-anglophone avoir la forme d’une conférence du type all anglophone conference et au niveau national suivre le modèle d’une conférence nationale. Les points à aborder dans le débat intra anglophone doivent porter sur la question de la marginalisation et le contentieux historique des termes de l’indépendance du Southern Cameroon à vider une fois pour toute. Quant au débat national, la question de la forme de l’Etat et de son mode de gouvernement à même de garantir le bien être de tous, disons la rédaction d’une nouvelle constitution, doivent être au centre des discussions.

Du profil des participants

Le débat intra-anglophone doit avoir pour acteurs majeurs les autorités traditionnelles et religieuses des régions dites anglophones, les représentants de tous les groupes armés sécessionnistes (radicaux), les représentants des sécessionnistes non armés (modérés), les représentants des tendances diasporiques, les leaders de partis anglophones, les représentants de la société civile anglophone et les représentants diplomatiques au Cameroun. Ce débat intra-anglophone doit être conditionné par un engagement écrit du gouvernement d’accorder une immunité de circonstance aux mandataires des groupes armés. Maintenant le débat national qui est le deuxième palier de discussion, doit avoir les chefs traditionnels de premier et de deuxième degré exclusivement comme porteurs des causes régionales. Ils sont ma foi, à quelques exceptions près, plus crédibles, légitimes et proches des aspirations locales, ceci en présence des diplomates accrédités au Cameroun. Vous comprenez que nous excluons totalement à ce niveau de discussion les hommes politiques qui risquent de plomber la franchise du débat au nom de la sécurisation des privilèges pouvoiristes ou des luttes de conquête de pouvoirs comme en 1991.

La question du médiateur

Je ne parlerais pas d’un médiateur mais des médiateurs au vu de la stratification et la typologie des discussions relevées. En ce qui concerne le dialogue informel les principaux médiateurs devraient être les hommes d’églises représentatifs dans les régions, conduits par le Cardinal Tumi. Le débat formel à son tour devrait avoir pour seul médiateur le premier ministre tant au niveau intra-anglophone que national.

Pour les auteurs des exactions

l’idéal aurait été le triptyque justice-vérité-réconciliation, seulement le plus grand défi c’est d’inciter les porteurs d’armes à dialoguer, alors au risque de maintenir ces derniers dans des batailles armées de survie par peur pour la justice, nous proposons le pardon et la réconciliation. A ce moment l’Etat pourra s’occuper de la réparation à la hauteur de ses moyens et des éventuelles contributions des donateurs.


Cameroun: Le chef de l’Etat fait passer de mauvaises fêtes à ses collaborateurs

Longue attente du remaniement ministériel
Paul Biya

Depuis son investiture le 6 novembre dernier, le président de la république n’a pas toujours remanié son gouvernement comme cela est de tradition. Une longue attente qui prolonge l’anxiété et la nuit des longs couteaux dans le sérail.

Contrairement aux années antérieures, Paul Biya, après son investiture, prend un peu plus de temps  pour former son nouveau gouvernement non pas sans incidence sur l’état d’esprit ou simplement le moral de ses ministres.

L’usure psychologique semble à son comble avec le fiasco du retrait de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 au Cameroun. En effet ce rendez-vous manqué est l’un des scandales managériaux et financiers des 36 ans de règne du président camerounais au pouvoir depuis 1982. Naturellement, au sein de l’appareil gouvernemental on redoute un tsunami. Au-delà de la tradition qui veut qu’un remaniement intervienne dans les plus brefs délais après l’investiture du président, les sanctions à l’encontre du gouvernement sont attendues. << Plusieurs têtes vont tomber>> nous confiait encore récemment un cadre de la présidence de la république.

Sur les médias sociaux, les << Fakes gouvernements>> sont publiés même par des hommes de médias réputés comme J. Rémy Ngono de Radio France Internationale. Au final, c’est la tension qui s’accroît. <<Le président fait vraiment durer le calvaire de ses gens , ça doit être la vraie souffrance>> ironise Alex Kwebo, tenancier d’un atelier de bricolage de télévision au lieu dit Avenue Kennedy à Yaoundé.  <<À coup sûr, personne n’aimerait être à la place de ces ministres qui, selon moi doivent être tous balayés et répondre du détournements de l’argent de la Can>> renchérit Alima Honoré, un autre débrouillard de l’Avenue Kennedy.

Les ministres passent un sale temps, c’est le moins qu’on puisse dire. Il y a quelques jours, Le Point Hebdo, un journal de la place présentait en grande Une ces ministres qu’il a appelé <<Les Salauds>> qui doivent être naturellement  limogés. Il s’agissait entre autres du ministre des sports et de l’éducation physique et du secrétaire général de la présidence de la république (Sgpr) , tous <<beau-frères>> du président selon les termes du journal.

Dans tous les cas, aucun ministre n’est à l’abri. À en croire plusieurs confrères locaux,  la plupart des cabinets se sont déjà vidés des effets personnels des occupants, y compris les photos de leurs familles qui ornent généralement les bureaux. Depuis l’investiture du président le 6 novembre dernier, c’est le qui-vive. Le vigile d’un ministre résidant à Bastos, le quartier le plus chic de Yaoundé, nous fait savoir que << le boss ne veut sentir personne chez lui>>. En effet depuis la fin du processus électoral, ce ministre qui gère un ministère de souveraineté a réduit ses sorties et ses fréquentations d’autant plus que les passeports de plusieurs membres du gouvernements leurs ont été déjà retirés selon nos sources à la présidence de la république.

Ce dernier fait laisse planer une autre explication de la psychose qui perturbe les fêtes de fin d’année des ministres qui , normalement, devraient déjà être fixés sur leurs sorts. Il s’agit des vagues d’arrestations qui, depuis 2004, suivent chaque remaniement ou réaménagement gouvernemental, dans le cadre de cette vaste opération d’emprisonnement des <<voleurs à col blanc>>, baptisée Opération Épervier.

Les ministres ne sont pas les seuls à avoir perdu le sommeil, leurs proches sont également très préoccupés. << je ne sais pas si notre type sera encore maintenu, si le vieux (Biya) le botte nous allons oublier le projet de reprofilage  de la route du village>> déclare Boris eyebe Nanga, habitant du village Mbele dans le département de la Lékié, village natal du ministre de l’agriculture et du développement rural, Henri Eyébé Ayissi. Dans une configuration historique de répartition ethno-tribale des postes ministériels, les inquiétudes des <<frères du village>> sont justifiées.

En outre, les supplices de la longue attente du remaniement sont plus exacerbées par des interminables longues nuits de séances de prières, de charlatanisme et d’exorcisme. Un quotidien paraissant à Douala revenait, il y a quelques jours, sur ces ministres qui ont requis les pouvoirs mystiques des hommes de Dieu et autres faiseurs de miracles à l’effet d’influencer mystérieusement la décision du chef de l’État.

Du côté de la presse, les ministres se livrent à d’incessants combats farouches dont la fin ne peut être sifflé que par la publication d’un nouveau gouvernement. Le plus flagrant de ces clashs par médias interposés est celui qui oppose le ministre des sports et le Sgpr. Étant tous au coeur l’échec de l’organisation de la Can 2019, chacun cherche à faire porter la responsabilité à l’autre. En plus Étant tous les <<Beau-frères>> du président c’est-à-dire ceux là qui occupent désormais les postes du cabinet civil et de la présidence de la république, Ngoh Ngoh et Bidoung Mkpatt seraient entrain de discuter le poste de Sgpr dans le prochain gouvernement.

En somme, beaucoup de faits observés prouvent que les ministres camerounais passent actuellement de sales moments…À quand la fin des supplices lorsqu’on sait que dans les démocraties sérieuses, l’issue d’une élection présidentielle commande un remaniement ministériel immédiat ou alors la démission du gouvernement?


Social Democratic Front, 25 ans de régression : trajectoire type de l’opposition africaine

       sdf 26 mai 1990, 26 mai 2015, 25 ans plus tard.  Le SDF, principal parti d’opposition camerounaise, est réduit en simple animateur du jeu politique avec pour seule fonction, la légitimation d’un système monopartiste masqué. De parti d’opposition, le SDF est devenu une formation de positionnement dans une connivence désormais à ciel ouvert avec le RDPC (parti au pouvoir).

Au commencement c’était l’espoir

L’on ne saurait entretenir une mémoire sélective face à l’activisme de Ni John Fru Ndi pour le retour au multipartisme. Au bout d’un combat de rue soldé par de nombreux cadavres, il crée le Social Démocratic Front, le 26 mai 1990 à Bamenda, une formation de courant centre-gauche avec pour mot d’ordre « suffer don’t finish » et « power to the people ».

                                                        SDF ESPOIR

Très tôt le SDF s’affirme comme challenger redoutable du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Aux élections présidentielles de 1992, le SDF inquiète son rival en récoltant 35,9% des suffrages contre 39,9% pour ce dernier. Il suscite désormais quelques lueurs d’alternance qui seront rapidement étouffées par les pratiques peu orthodoxes du Chairman lui-même et du régime crypto autoritaire de Biya. La conséquence de ce qui précède est la dégringolade du parti au lendemain du scrutin de 1992, ce malgré l’émergence de certains jeunes cadres un peu plus dynamiques.

  Années Résultats des présidentielles Résultats des législatives
1992   (11 octobre)               35,97%        Boycotte/Abstention
1997   (17 mai)               Boycott/Abstention            43         sièges
2002   (30 juin)                     /            22         sièges
2004   (11 octobre)                 17,12%                  /
2007   (22 juillet)                      /           16         sièges
2011    (09 octobre)                 10,71%                   /

   Qu’est-ce qui expliquerait une telle descente?

            De prime à bord, il est important de revenir sur le contexte d’émergence du SDF pour comprendre que sa notoriété de départ était conjoncturelle. En effet parmi les partis qui font irruption dans le champ politique en début des années 1990, le SDF, par son caractère révolutionnaire et avec un leader charismatique apparait aux yeux des « indignés » comme une alternative à même d’incarner les revendications des « cadets sociaux ». Le SDF et Fru Ndi bénéficient alors à la présidentielle de 1992 d’un « Biya Must Go » scandé par la rue. Il récolte à cet effet 34,9% de suffrage contre 39,8% douteux du RDPC. Le SDF a donc bénéficié d’un vote contre : « Tout le monde, sauf Biya ! »

TOUT SAUF BIYA

Des espoirs vite neutralisés

Malgré ce contexte favorable à son affirmation, le parti tout au long de ces 25 années n’a pas pu rentabiliser ces opportunités afin de construire une offre et comportement politiques séduisants. Il n’a pas pu construire une véritable opposition, moins corrompue, moins prébendier, à même de bousculer le « renouveau ». Au contraire, il a légitimé d’avantage la « démo-crasy » de Yaoundé et se faire embrigader dans la nasse de la politique de containment du régime, désormais il dîne avec son rival !

Au rang des causes de 25 ans de reculade, l’incapacité de se reconstruire afin de s’adapter aux différents contextes

L’un des arguments expliquant le déclin du SDF est son incapacité à s’adapter aux évolutions des situations politiques qui travaillent le champ concurrentiel camerounais. En restant par exemple scotché sur la subversion comme mode d’expression, le parti a cédé le flanc à son « adversaire » pour bien vulgariser auprès de l’opinion l’image d’un parti qui veut saper la paix. Le soutien du SDF aux émeutiers de février 2008 a été par exemple un tremplin pour Biya de le classer solennellement dans la catégorie des « apprentis sorciers ».

L’anglophonisation du parti : stigmatisation et auto-stigmatisation

            Une autre explication de la régression du Social Démocratic Front est l’instrumentalisation de son « anglophonisation ». Le 2 mars 1999, John Fru Ndi fustige la « marginalisation » des anglophones,  l’opportunité est donnée une fois de plus à ses rivaux de dénoncer son adhésion à la cause sécessionniste des militants favorables à la création de la République fédérale et démocratique du Southerm Cameroun. Alors par ces postures identitaires, le Chairman a donné l’occasion à l’opinion d’orienter le débat vers  un pseudo antagonisme électoral : « Anglophones contre francophones ». D’autres ingrédients comme la tenue régulière des congrès du parti à Bamenda, viennent agrémenter l’image d’un parti des anglophones, faisant perdre au parti la sympathie des francophones.

L’opération de la chaise vide, le gâchis des opportunités politiques

L’opération « pieds morts » et la « politique de la chaise vide » n’ont pas été véritablement rentables pour le SDF de même que le boycott des élections. Les illustrations les plus regrettables de ces politiques sont le refus de participer aux législatives de 1992 où l’opposition a eu toutes les chances de contrôler le Parlement, du moins constituer une majorité confortable. De même, le boycott des élections présidentielles de 1997 a permis au parti au pouvoir de consolider exponentiellement son hégémonie à la tête de l’Etat en glanant plus de 92% des suffrages contre 39% en 1992. La désertion du champ de compétition a porté des coups durs au parti qui en plus de son affaiblissement, a rendu son adversaire plus fort et a fait perdre au parti des ressources politiques que constituent les postes électifs.

Coalitions, alliances… les stratégies foireuses du SDF

Le SDF et Fru Ndi n’ont pas su penser une autre stratégie ou saisir des opportunités afin d’impacter le jeu politique. On peut par exemple décrier les échecs des différentes alliances et coalitions qui auraient dû être bénéfiques pour l’opposition en général et le SDF en particulier. Tous ces dissensions et égoïsmes discréditeront davantage le parti, car pour l’opinion c’était par manque de réalisme et d’ambition que le SDF va lâcher ces occasions de faire émerger une opposition un peu plus forte. Outre l’idée du jeu des alliances, d’autres innovations tel le projet inopérant du « shadow cabinet » vont décrédibiliser le parti.

USURE DU TEMPSSDF, un leadership éternel et perpétuel du Chairman: dérive autoritariste !!!

            Le SDF comme la majorité des partis politiques africains s’est construit non pas autour d’une idéologie forte mais autour d’un homme fort, en la personne du Chairman qui est  inamovible depuis le 26 mai 1990. Si le changement reste le credo du parti, il est paradoxalement moins accepté par son leader. L’épuisement et l’usure de la personnalité du Chairman entraînent ipso facto l’usure du SDF dans le sens où l’innovation qui pourrait impulser une nouvelle dynamique achoppe sur le conservatisme des caciques d’un système foiré par le  temps. Aussi les dérives de Fru Ndi sont directement imputées au parti.

Article 8, 2 comme technologie politique d’excommunication des opposants à la pensée unique de FRU Ndi au sein du parti

Par ailleurs, la remise en cause de l’hégémonie de FRU Ndi au sein même du NEC (organe exécutif du SDF), est généralement sujette d’excommunication sur la base du fameux article 8 Al. 2. En l’espace de quelques années le SDF s’est autodéséquilibré en excluant des forces politiques telles : maître Bernard MUNA ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun après avoir décrié les prébendes dont bénéficieraient certains cadres du parti ;  Edith Kah Walla présidente du Cameroon people’s party « CPP ») ;   Assanga (1994) ; Charles MBOCK (1995) ; J Pierre Tchoua (1998) ; Maidali (2002) ;  Paulinus Jua (2006), le secrétaire général historique Tazoacha Asonganyi (2006), etc.

ASONGANYI, un père fondateur du SDF excommunué

Illustration des guerres intestines qui ont fragilisé le parti

             Du 26 au 28 mai 2006 est convoquée la 7e convention du SDF  appelée « conférence de la renaissance ». Le congrès est perturbé par la plainte du député Clément Ngwasiri, qui auparavant avait été exclu du parti pour avoir prononcé la « suspension » du chairman, va prévoir avec d’autres membres tels Pascal Zamboué et Diboulé un congrès à Yaoundé dans les mêmes délais. Le jour-J, monsieur Grégoire Diboulé est assassiné au siège du SDF à Yaoundé après une lourde confrontation entre partisans de Ngwasiri et ceux du chairman armés des gourdins. Par ailleurs la fête nationale d’avant, le gouverneur FAYE NGO Francis avait dû suspendre la participation du SDF au défilé après la bagarre à laquelle voulaient se livrer les deux factions  déjà au boulevard du 20 mai.

Au-delà des défaillances endogènes, les actes d’anti-jeux politiques du RDPC

En plus de ces quelques griefs qu’on peut retenir à l’endroit du SDF et son éternel Chairman, il est à reconnaître avec Thomas Friedman qu’un système de parti hyper dominant donne lieu à une « démocratie incompétitive ». Alors dans un contexte de caporalisation de la ressource étatique par le Parti-Etat, le SDF déjà autodétruit, ne peut être qu’un nain politique.

Frustration, intimidation, violence… autant de pratiques dont le SDF sera victime pendant ces 25 dernières années

            Il faut dire que le SDF, a été maté par la répression et contraint de faire l’aumône ou alors d’attendre la mansuétude de Paul Biya comme ce fut le cas lors des sénatoriales de 2013. Le RDPC a dû refuser d’être présent dans les régions de l’Adamaoua et l’Ouest afin de permettre au moins à un autre parti de glaner un sénateur dans les 70 élus. Le SDF va bénéficier de l’offrande de 14 sénateurs de son désormais allié politique supposé être son principal adversaire.

Le parti fera l’objet d’un bon nombre de frustrations politico-administratives suite à des intimidations diverses. Déjà le jour de sa création, une marche du SDF est violemment réprimandée laissant six de ses partisans sur le carreau, morts par balle des forces de l’ordre (RFI). Dans ce contexte, « opposant » rimait avec maquisard, étiquette collée auparavant aux membres de l’UPC (parti nationaliste ayant combattu pour l’indépendance complète du Cameroun dans les années 60).

Campagne de dénigrement, stigmatisation et méfiance

L’image du SDF fera l’objet de campagnes de dénigrement et de préjugés multiples. On faire allusion ici à l’idée selon laquelle le SDF ambitionne rattacher une partie du Cameroun au Nigeria ou simplement qu’il veuille déstabiliser le pays.

            Le parti subira un lynchage médiatique toujours est-il que les médias privés n’étaient pas encore fortement implantés. La stigmatisation tribale ne sera pas en reste avec ce caractère d’ « insensé » que l’opinion  a toujours attribué aux anglophones dans cette lourde expression dénigreuse de « Bamenda » (expression qui signifie naïf). Voter pour le SDF relevait d’une grande trahison et parfois cela valait la méfiance de l’entourage. D’ailleurs à Sangmélima et Ebolowa, les anglophones et Bamiléké accusés pour avoir voté en 1992 pour le SDF seront lynchés par les Bétis de ces localités acquises au RDPC.

En somme, loin d’être exhaustif dans le listing des causes de la régression du SDF 25 ans après, on peut conclure que le parti aujourd’hui, au-delà de la simple nostalgie des exploits historiques, est loin de convaincre les Camerounais que nous sommes dans un multipartisme. Pire encore qu’il existe bel et bien un principal parti d’opposition.

CONNIVENCE

            Il faudra peut-être parler d’un principal parti de positionnement sollicitant d’une façon permanente la mansuétude du parti au pouvoir.


Biya Paul, 33 ans de régime prétextuel

AKUK PEOPLE

Le régime de Yaoundé, comme bon nombre d’autres pontificats d’Afrique, a su capitaliser le prétexte comme ressource politique, afin de justifier ses cuisants échecs et occulter les réels motifs de son incapacité à conduire des réformes sociales, politiques et économiques. Les prétextes généralement mobilisés par le régime sont les quelques conjonctures critiques qui ont travaillé le pays à savoir : le coup d’Etat manqué de 1984 ; les plans d’ajustement ; les villes mortes ; la dévaluation du franc Cfa ; le conflit de Bakassi ; les privatisations,  etc.

Aujourd’hui, la lutte contre Boko Haram sert de prétexte pour faire du chantage au peuple camerounais, justifier la sous-consommation du budget d’investissement public, l’échec des OMD, le taux grandissant du chômage, l’inertie, les détournements spectaculaires des fonds publics, l’avancée à pas d’escargot des projets dits structurants et souvent même les déculottés des lions devenus domptables.

Il est clair qu’au vu de la longévité un peu plus débordante du règne du « renouveau », on n’est loin de dire que cette tactique du prétexte a été inopérante. Ces prétextes ont toujours permis au régime Biya de continuer de bénéficier de l’état de grâce de la masse qui ne fait que garder vainement espoir, même 33 ans après.

Le régime prétextuel : au-delà du difficile consensus autour de la notion

Parler de régime prétextuel semble a priori complexe et peut même être taxé d’un « autre camerounisme », cela va de soi.   Sous réserve des résultats d’éventuelles batailles conceptuelles autour de la notion de régime prétextuel, l’expression ne doit pas être vidée de son substrat. Le régime prétextuel est cette pratique qui consiste pour l’élite au pouvoir de faire du Ponce-pilatisme devant ses multiples échecs, faisant croire au peuple que les causes résident dans des contraintes extérieures (conjoncture) non voulues et inéluctables. Or, en observant le train de vie princier des barons du régime, on aimerait savoir pourquoi ils ne sont pas touchés par ces crises. Bref c’est du bluff !

Les premiers pas du régime prétextuel

Biya Paul, 33 ans de régime prétextuel, c’est l’inscription dans la continuité d’une manœuvre qui a rendu de loyaux services aux incompétents africains de la première heure qui pouvaient à chaque fois convoquer la traite négrière, la colonisation, les résistances nationalistes pour justifier leur mauvaise foi à conduire de véritables réformes. Le régime prétextuel de Biya manie bien les louvoiements pour mieux neutraliser la grande masse naïve et la maintenir depuis trois décennies dans l’ « immergence ».

A son arrivée au pouvoir en 1982, le président Biya Paul a suscité une pluie d’espoirs, c’était un ouf de soulagement, la masse était convaincue que le Cameroun était « Born again ». Le régime n’a d’ailleurs eu besoin d’aucun référendum pour vêtir à son champion un manteau de « Born again » (l’homme du renouveau). Les gros projets ont été mis sur agenda, la rigueur et la moralisation ont été érigées en cantique national.  Le parti unique a même opté de mettre arrogamment le mot « démocratie » dans son nouveau patronyme et pourtant la réalité faisait état d’un monolithisme de type autoritaire parfois totalitaire.

Jusqu’en 1990 rien de tout ce bavardage de propagande n’a été mis en œuvre. Alors pour se refaire une légitimité face à l’échec consommé et confirmé, le régime n’a pas tardé de s’appuyer sur deux conjonctures certes pertinentes, mais pas déterminantes dans l’explication des causes du fiasco.

Le coup d’Etat manqué et l’impact du choc pétrolier de 1986 comme cause de l’échec de la décennie 80

La première conjoncture qui a servi de faux-fuyant pour ne rien faire a été le coup d’Etat manqué de 1984. Ce malheureux incident entre les membres d’une même mafia a été un tremplin pour justifier la faillite du régime pendant ladite période. Quelques saxophonistes de la cour royale continuent aujourd’hui d’arguer que le président n’a pas eu de répit à son arrivée au pouvoir. Il a donc fallu que le peuple paye la note douloureuse de ce parricide politique, or il n’y était au fond pour rien.  On estime alors que Biya a connu des frayeurs politicomilitaires qui ont étouffé ces ambitions d’alors (la dynamique du renouveau), désormais il n’était plus question de satisfaire les Camerounais, mais de sécuriser le pouvoir.

Sacré prétexte !

Un autre subterfuge évoqué pour justifier l’échec des années quatre-vingt a été, l’impact du choc pétrolier sur les économies du Sud, les obligeant de revoir leurs ambitions à la baisse, ce qui a aussi permis aux institutions de Breton Wood d’engager une colonisation économique et financière. Le Cameroun est sous perfusion avec ces fameux plans d’ajustement.

Ce constat peut bel et bien être partagé avec nos valeureux panafricanistes, seulement, les plans d’ajustement et autres manœuvres occidentales ne peuvent fleurir en Afrique que s’ils bénéficient de la complicité d’une catégorie de dirigeants jouissant exclusivement de la légitimité politique venant des grandes chancelleries. Cette colonisation a servi une fois de plus d’escapade au régime pour ne rien faire et  justifier par exemple l’éternel renvoi de la construction du barrage de Natchigal aux calendes grecques.

Bon, passons !

La décennie 90 offrira un bon pactole de prétextes pour le régime de se gratter les couilles à volonté : les perturbations sociopolitiques (villes mortes),  la dévaluation du franc Cfa et le conflit de Bakassi.

Ces quelques événements ont exigé un autre état de grâce du peuple en faveur du régime Biya Paul. La démocratie est refusée aux Camerounais, les salaires sont réduits de 50 %, on demande au peuple de serrer la ceinture s’il veut voir le bout du tunnel. Au final c’est une décennie d’échec total du régime.

Les villes mortes, la dévaluation et le conflit de Bakassi sont pointés du doigt, le régime estime qu’il n’y est pour rien. Sacrée feinte pour solliciter un autre état de grâce et d’autres mandats ! Il fallait se battre pour la paix, il fallait éviter l’effondrement économique du pays, il fallait défendre la patrie face à un agresseur nigérian, bref un tas de blablabla.

Les Camerounais dans leur résignation symboliquement imposée se sont tus.

Plus tard, le régime retrouve sa quiétude, le Nigeria est défait, les Camerounais s’adaptent à l’austérité, l’ex-parti unique reprend le contrôle du jeu politique, il est plus que stable avec une majorité frauduleuse de plus de 97 % à la présidentielle de 1997. Mais rien ne bouge au finish.

Les plans d’ajustement, les privatisations, le souci d’atteindre le point d’achèvement (…) comme causes des échecs de la première décennie du 21e siècle

A partir de 2000, les objectifs du millénaire sont fixés, les « grandes ambitions » se métamorphosent en « grandes réalisations », les projets structurants sont annoncés avec plus de mille « poses de la première pierre ». Dix ans plus tard, on trouve des échappatoires pour justifier l’inertie. Les arguments phares sont la privatisation et les plans d’ajustement de troisième génération avec ce parcours de Golgotha vers le point d’achèvement. Alors une fois de plus, le peuple camerounais est prié d’être compréhensif et indulgent devant cette autre décennie de fiasco, le meilleur reste à venir, on parle de croissance à N chiffres, de projets structurants, d’ici peu le pays sera transformé en vaste chantier.

Boko Haram, la goutte qui fait déborder le vase

Depuis quelques années, les attaques de Boko Haram justifient désormais tous les échecs même la sous-consommation du budget d’investissement public et, dans une autre mesure, les débâcles répétées des lions désormais domptables du Cameroun.

On remarque que les Camerounais sont bernés par un tas d’arguments plus ou moins pertinents, rien de véritablement fondamental dans l’explication de l’échec global du régime 33 ans plus tard.

Pendant ce temps…

Les Camerounais, à tort ou à raison ont continué d’accorder les circonstances atténuantes au régime, or, entre-temps l’économie du pays a été éventrée, le système de reproduction a connu ses heures de gloire, certains ont investi dans l’armement pour se préparer à éventrer les Camerounais cette fois-ci.

A Chirac de comprendre

Alors, lorsque Jacques Chirac se demande : « Mais comment fait-il pour diriger depuis si longtemps un pays aussi complexe en s’y consacrant peu ? », il doit comprendre que le régime Biya a comme l’une des principales ressources de sa stabilité en maintenant le  peuple dans l’espérance.

Cependant, « on peut tromper tout le peuple une partie du temps, on peut tromper une partie du peuple tout le temps, mais jamais tout le peuple tout le temps ».

 


Burkina Faso : la popularité fictive de Blaise

lesmiserables.mondoblog.org
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Les derniers évènements politiques au Burkina Faso remettent au goût du jour le sempiternel problème de la popularité des «démocraties dictatoriales» d’Afrique. Il y a certes l’euphorie de la neutralisation d’un régime qui se voulait perpétuel, mais il y a également la question fondamentale de la notion de majorité lorsqu’on sait que la démocratie renvoie au gouvernement du plus grand nombre. Peut-être serait-il mieux de redéfinir le concept même de majorité puisque jusqu’ici il s’agit généralement du plus grand nombre de votants et non des citoyens d’un pays.

 Si Compaoré était donc si populaire comme les urnes nous laissaient croire….  

Le débat semble bien pertinent d’autant plus qu’il y a seulement moins de trois ans que Blaise Compaoré lors de l’élection de novembre 2010 a été accrédité d’un score russe de plus de 80, 98 %, ce qui contraste avec le degré de mobilisation populaire qui a mis l’ex-président hors d’état de nuire. Où sont passés les 80, 98 % de Burkinabè pour sauver Blaise Compaoré ?

Une majorité frauduleuse

Une première réponse, la plus simple et la plus plausible, est l’exhibition depuis l’assassinat de Sankara d’une majorité frauduleuse acquise dans des conditions électorales contestables, tronquées et truquées. Une thèse qui semble d’ailleurs soutenable au vu de la multiplication des actes d’anti jeux politiques dans les «démocraties dictatoriales» africaines. Nul n’ignore la situation déloyale qui continue à maintenir éternellement les régimes au pouvoir. Il faut aussi souligner le contraste qui existe entre les majorités clamées et proclamées d’une part et les masses importantes qui contestent généralement dans les rues africaines d’autre part.

La majorité électorale n’est pas la majorité populaire

La plupart des régimes du Sud se targuent de majorité démocratique alors qu’ils s’appuient sur les citoyens qui ont été voter tout en omettant la plus grande masse qui de plus en plus ne s’exprime pas dans les urnes, mais dans les espaces contestataires. Les scores électoraux glanés dans bon nombre de pays africains imposent alors une certaine prudence quand on parle de légitimité.

Le nombre de votants, loin d’exprimer la volonté populaire

Si l’on se décide d’accorder néanmoins un certain crédit aux résultats proclamés par des institutions en charge des élections,  il n’est pas exclu qu’on reconnaisse que ce sont des majorités d’une minorité d’individus qui se déplacent le jour du vote pour exprimer électoralement leur voix. En effet ces élections connaissent de fortes abstentions qui délégitiment les présidents africains. L’abstentionnisme ici ne doit pas seulement être centré sur des inscrits qui ne votent pas, mais plus sur des grandes masses qui refusent de s’inscrire donc de prendre part au jeu.

Une majorité issue de la minorité 

Ceci dit, il était difficile de reconnaître une certaine légitimité au président tombeur de Thomas Sankara une certaine reconnaissance et acceptation populaire puisqu’au scrutin de novembre 2010, sur une population de 17 millions d’habitants, quelque 3 millions de Burkinabè sont allés aux urnes, et encore plus Blaise Compaoré a récolté 1, 3 million des voix, soit 80, 98 % des suffrages exprimés. Un taux qui ne permet pas de conclure qu’il bénéficiait d’une majorité démocratique, peut-être électorale si l’on veut rester complaisant.

L’illusion des motions de soutien

Les motions de soutien et autres marques de déférence entrent dans cette légitimité fictive en Afrique où les acteurs usent abusivement du petit «nous» qui relève de la pure escroquerie politique. Il y a là une tentative de désubstantialisation de la réalité, de l’abstentionnisme contestataire, donc de l’abstention dans le jeu, en cherchant à mettre la mise à l’écart des citoyens du jeu électoral à l’actif du déficit de culture politique (abstentionnisme hors du jeu).

La vraie majorité ne s’exprime pas dans les urnes

En outre, il est clair, en s’en tenant au cas du Burkina, que les peuples vivant en captivité dans les «démocraties dictatoriales» d’Afrique continuent néanmoins à faire l’économie de leur autodétermination (souveraineté) jusqu’à ce que, à un moment de leur histoire ils finissent par l’exprimer dans la rue. On peut alors dire que la rue reste en Afrique le vrai espace d’évaluation de la légitimité populaire, les urnes ayant déjà montré toute leur incapacité à traduire la volonté du peuple puisqu’elles sont truquées et davantage non représentatives.

Les élections sont loin de dégager la réelle majorité ou alors le niveau de légitimité de l’establishment politique, la vraie majorité est silencieuse et le silence en politique doit être considéré en Afrique comme une expression de contestation forte des peuples déçus par les élections cosmétiques.

Des griefs latents

Ceci explique d’ailleurs la vitesse avec laquelle s’opère la désectorialisation des revendications populaires soutenue par l’appui souvent spontané des sites sociaux. On peut se référer à titre d’illustration aux émeutes de 2008 au Cameroun où un mouvement contre l’augmentation du prix du carburant a migré avec une vitesse exponentielle vers une revendication sur la non- modification de la Constitution pour aboutir sur la question du départ du président Biya du pouvoir. Tout simplement parce que ce mouvement autour du prix du carburant a réactivé d’autres griefs jusqu’ici latents en l’occurrence le problème de la corruption, de l’injustice sociale, de la misère et de la longévité au pouvoir de Biya.

Les clichés d’une majorité incontestable

La problématique de la légitimité électorale basée sur la minorité des citoyens qui vont aux urnes a conduit Compaoré à sous-estimer son impopularité. Il a semblé ne pas sortir des hallucinations pour comprendre que depuis le 15 octobre 1987 il était de plus en plus impopulaire, mais bénéficiait encore de l’Etat de grâce de la majorité silencieuse qui s’était résignée à ne plus prendre part à ces mascarades électorales, ce qui lui donnait malheureusement des pseudo majorités obèses fictives. Il en n’est de même des autres démocraties «dictatoriales impopulaires» qui construisent dans l’imaginaire collectif les clichés d’une majorité incontestable or la vraie majorité dans les systèmes autoritaires s’illustre dans la Rue.

 

Aristide Mono


Boko Haram: Regard d’un politologue sur une guerre Camerouno-camerounaise

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     Dr Vincent-Sosthène FOUDA, Socio-politologue, Chercheur à la Chaire de Recherche du Canada en mondialisation citoyenneté et démocratie, Université du Québec à Montréal – Canada,  Candidat à la présidentielle de 2011 a eu à  séjourner au nord Cameroun, il nous livre la température réelle du coin, loin du camouflage du régime de Yaoundé.

   Je viens de séjourner dans le septentrion du septentrion de notre pays. Je suis parti sac au dos comme à l’époque de mes 18 ans. J’ai passé outre les avertissements des parents et amis, je me suis laissé conduire par mon amour pour notre pays le Cameroun.

Si la situation qui prévaut actuellement dans le Nord Cameroun devait s’étendre dans l’ensemble du pays, alors peu importe qui gagnera cette guerre, les perdants nous les connaissons déjà ; ce sont les petites gens, les gens ordinaires; ce ne sera malheureusement ni vous ni moi et ce,  quelle que soit notre modestie! Non, les perdants ce sont ceux et celles qui n’ont jamais rien demandé,et qui surtout ont très peu reçu de la République et de la Nation.

 

Beaucoup d’historiens camerounais ont pris l’habitude de dire que le Cameroun et l’Algérie sont les seuls pays du continent à s’être battus militairement pour acquérir leur indépendance respective. A partir de là, les camerounais pensent tous avoir une expérience commune de la souffrance. Que non! Il reste très peu de survivants de la guerre  d’indépendance, des vétérans de la guerre d’indépendance encore moins.

 

Ce qui se passe dans l’Extrême-Nord de notre pays est une véritable insurrection armée de type interne. Elle est construite par des citoyens camerounais et alimentée par des facteurs et des acteurs internes sur lesquels nous reviendrons plus loin. Parce que tout ceci se déroule à la frontière avec le Nigéria nous ne pouvons pas nier qu’il y ait influence et incidence pour et par ce pays voisin et frère.

 

Pour rallier l’Extrême-Nord, j’ai eu recours à Camrail, grâce à une camarade du primaire, cadre dans cette entreprise qui a pu à la dernière minute me trouver un wagon-lit que j’ai partagé avec un autre voyageur. Partis de Yaoundé à 19H20, c’est le lendemain à 8h21 que nous avons atteint Ngaoundéré chef-lieu de la région de l’Adamaoua soit 612km parcourus en 13 voire 14h de temps! J’ai peu dormi alors, le wagon-bar m’a accueilli assez rapidement, ce qui m’a permis d’échanger avec d’autres voyageurs sans distinction.  A Ngaoundéré nous n’avions fait que la moitié du trajet nous séparant de Maroua – nous avons donc rapidement pris des billets dans une agence mais c’était sans compter avec les multiples tracasseries : la rareté des cars de transport en cette période de rentrées scolaires, les nombreux contrôles de police et de gendarmerie et enfin le couvre-feu à Maroua dès 18h pour les mototaxis et 20h pour les engins à 4 roues.

Nous n’avons donc pas pu entrer à Maroua et c’est le petit poste deMadaba qui nous a accueillis pour la nuit soit environ 840 voyageurs répartis comme suit : 7 gros porteurs à raison de 70 voyageurs par gros porteurs, 9 Costers de 35 places chacun, 6 camions avec plus ou moins 2 voyageurs à chaque fois, deux petites voitures personnelles avec respectivement 4 et 5 passagers, de nombreux enfants et nourrissons. A ce groupe de voyageurs il faut ajouter la population de nuit de ce petit poste de contrôle regroupée autour d’un écran de télévision qui diffuse au moment où je me joins à ce groupe « Par ici le débat » de Paul Ngounou sur la CRTV télé. L’air est pollué par une forte odeur de matière fécale et de pisse car ici j’ai beau scruter les alentours, il n’y a point de latrine, tout se fait en plein air et tous les yeux autour de vous en sont témoins. Une voyageuse m’offre un bout de son pagne à même un sol légèrement trempé. A 5h du matin un policier surgit de nulle part, agite unelampe torche pour nous annoncer l’ouverture de la circulation. Après moins de 20 minutes de trajet nous entrons dans la ville de Maroua, je trouve rapidement un hôtel mais aussi une moto, j’ai pris du retard sur mon programme –

 

Ma première visite, je la réserve aux autorités administratives. Ça tombe bien, la ministre de l’Education de Base est dans la Ville Do Mayo (dans le centre-ville de Maroua) pour le lancement de la rentrée scolaire; je peux donc rencontrer dans un espace assez réduit toutes les autorités de la ville – alors que la Ministre Youssouf Adjidja va à Mora nous pouvons choisir Kolofata ou Tokombéré. Je peux enfin rendre hommage à Jean-Marc Ela ici à Tokombéré – visiter le Mada du Président de l’Assemblée Nationale du Cameroun et à Kolofata toucher les murs et les impacts de balle sur les murs du domicile du vice-premier ministre dont l’épouse est toujours détenue par « BokoHaram ». Je peux entrer dans les petites cases rondes et prendre le repas auquel je suis convié sans aucun protocole. Les mototaxis, sont de bons compagnons ils me parlent des morts, de la faim, de la soif … Ce n’est pas la pauvreté ici mais la misère, la grande misère. Les populations que j’ai rencontrées vivent simplement, dans des habitations dépouillées et il semble y avoir une rupture entre cette grande masse et les populations que nous nommons «élite». Ainsi par exemple pour ce qui est du Mada du Président de l’Assemblée Nationale les populations vivant à un kilomètre de distance sont obligées de parcourir 10 km pour trouver un point d’eau potable.

Ici même la solidarité mécanique chère à Emile Durkheim semble avoir foutu le camp; la grande clôture fait office de frontière visible entre ceux et celles qui subissent la misère, ceux et celles à qui la guerre est imposée et les autres, ceux qui ne viennent ici que sporadiquement.

 

J’ai été frappé par l’inexistence d’une route entre Tokombéré et Kolofata, un tronçon de 8 à 10 km! Ainsi, le voyageur est obligé de revenir sur ses pas et passer par Mora pour pouvoir rejoindre Kolofata ! C’est une marque, sans jugement, d’une absence de conscience collective et il semble que tout est fait pour maintenir la grande masse dans la misère. Pour aller de Maroua à Kousseri distant d’une centaine de kilomètres pas moins de 7H de route! Il s’agit de la route construite par les chinois avant l’enlèvement de quelques-uns de leurs compatriotes. Et parce que la route est inachevée vous avez un dos d’âne tous les 4 mètres.

 

Quand les gens ordinaires se retrouvent au centre d’une tempête géopolitique comme nos compatriotes de l’Extrême-Nord, stigmatisés par l’ensemble de l’élite nationale ou ce qui en tient lieu d’une part, abandonnés par les leurs d’autre part, le dilemme du verre à moitié plein ou à moitié vide n’a plus aucune importance, puisque de toutes les façons il n’y aura bientôt plus de verre, il sera cassé…

Boko Haram est Camerouno-camerounais

 

L’Extrême-Nord plus que tout autre lieu et région sur le territoire national est la région de toutes les frustrations, de tous les manques. Alors que la société et le mode de vie semblent figés, nous assistons à l’imposition ou à l’implantation d’une société utilitariste, chacun poursuivant ses intérêts personnels étroits ou ceux de son groupe social voire son groupe d’intérêt. A Maroua, il existe une université en location dans les différentes bâtisses de l’élite dominante et vorace. A titre de comparaison Bamenda a fini depuis fort longtemps la construction des bâtiments de son université! Pendant ce temps, une certaine élite veille à maintenir dans l’ignorance les enfants de cette partie du septentrion. Le nombre de viols sur les étudiantes y est plus élevé que partout ailleurs sur l’ensemble du territoire national. Les témoignages sont atroces! Maroua s’est vue imposer une société matérialiste; voilà pourquoi on y perd le sens de l’intérêt collectif et du bien commun. L’élite de l’Extrême-Nord est plus préoccupée par sa seule réalisation personnelle, un souci narcissique de soi sans aucune préoccupation pour autrui et pour le devenir de l’humanité.

 

Dans l’Extrême-Nord nous sommes à mille lieux de l’information et de la communication, ce qui laisse un lit bien fait à la désinformation et à la manipulation des masses populaires paupérisées. Les populations du Sud et celles du Nord se font face pour une guerre inévitable, tout le monde s’y attend, beaucoup l’espèrent… Alors, oui effectivement, on a l’impression que la population adhère, que les uns et les autres nagent dans un optimisme béat, ce qui est loin de la vérité! Le pouvoir central à Yaoundé quant à lui se plaît et se complaît dans un discours mensonger relayé par les médias tant privés que publics: « l’armée camerounaise annonce avoir tué 100 membres de la secte Boko Haram », « l’armée camerounaise pilonne les bases des Boko Haram » etc. etc. Tout le monde croit que ce sera vite fini et que nous passerons à autre chose mais la vérité est toute autre…

 

Allons-nous nous réveiller plusieurs années après ?

 

Les forces manipulatrices marchent sur le territoire camerounais, volent, violent et enlèvent en pointant un doigt accusateur ailleurs. Cet ailleurs, c’est le Nigéria avec son Boko Al Haram, c’est la France avec son gros appétit sur les matières premières de notre pays, ici tout le monde sait qu’entre Figuil (Nord) et Guidar (orthographié Guider – entre le Nord et l’Extrême-Nord se trouve le plus grand gisement d’uranium au monde.) Il s’agit d’une guerre et tout le monde sait quand on la déclare; il est cependant difficile d’y mettre un terme. Soyons réalistes, aucune carte postale ne nous viendra du monde et les notes de musique que nous voulons chanter et écouter, il nous faudra les écrire, les composer bref, il nous revient de bouter hors de nos frontières les ennemis de l’unité nationale, les prophètes de la dissension!

Maroua est un rideau sanglant

Derrière toute la guerre qui se fait pour le moment dans l’Extrême-Nord de notre pays et loin des cameras du monde entier, se joue un drame, celui de la population, abandonnée à elle-même, ignorée par les pouvoirs publics, et utilisée comme monnaie de singe, chair à canon. Derrière tout ceci, oui, malheureusement, se cachent aussi des logiques économiques. Beaucoup veulent se faire Seigneurs en nous spoliant de nos biens, de notre avenir, de notre désir d’avenir. J’ai fait une longue analyse il y a quelque jour sur l’économie camerounaise, je ne veux pas y revenir, mais il  est évident que les Seigneurs de guerre, coupeurs de routes d’hier recrutés par des bandits membres du gouvernement ou du parlement veulent nous mettre face à un non-choix : s’allier aux revendications -possiblement non formulées- les leurs, ou continuer à soutenir le pouvoir en place au Cameroun sans jamais dire :Le changement c’est maintenant. C’est un choix de Hobson qu’il nous faut éviter. Le Cameroun a bel et bien besoin d’un second souffle, il ne peut venir que du peuple camerounais lui-même, déterminé à défendre l’intégrité de son territoire et à se projeter vers un avenir qui sera radieux.

 


Cameroun : la brouille est partie pour durer

DRAPEAU lesmiserables inséré       Les évènements politiques qui secouent le Cameroun depuis plusieurs mois n’ont pas l’air de s’estomper demain ou après demain, il s’agit d’un virage inéluctable de l’histoire politique du pays malgré nos incantations. Peut-être la forme et l’intensité restent à déterminer mais la vérité historique, l’expérience vécue dans d’autres cas nous prouvent à suffisance que depuis 1960 les régimes Ahidjo et Biya ont continué à poser les jalons d’une instabilité politique. Le seul travail abattu par ces deux régimes était celui de reporter les hostilités ou de les domestiquer provisoirement.

Boko Haram et autres manœuvres sont des éléments de la rupture totale  entre les caciques

Les attaques de Boko Haram et celles de l’Est témoignent déjà de la fracture ouverte née de l’impatience d’une élite politique brutale déterminée à évincer la hiérarchie en place. En effet les issues d’un changement constitutionnel étant cryptées et même bouchées, il lui apparait que le seul chemin reste l’éviction par les armes. Il était donc prévisible qu’on vive à  l’eschatologie du règne de Biya la montée en puissance de la belligérance et surtout que certains challengers partent perdants s’il faille adopter les procédés conventionnels, alors tous les moyens seront exploités pour prendre le pouvoir.

Epervier  marque le début de l’instabilité

La crise n’est pas née aujourd’hui, elle a commencé par l’officialisation de l’opération épervier qui est une grosse crise institutionnelle car elle a montré les failles d’un système politique qui n’arrivait plus à contenir ses pulsions cleptocratiques et aussi la déchéance de l’union sacrée qui semblait jusqu’ici animée des membres d’une secte politique qui a pour idéologie le maintien du pays dans la décrépitude. L’arrestation des barrons est une manifestation d’une crise politico institutionnelle qui débouche  aux évènements actuels qui se prolongeront encore.

L’opération épervier portait déjà les germes d’une crise qui ne s’arrêtera pas bientôt, la tribalisation de cette opération par les éperviables n’est pas loin des appels de la Lekié ou simplement de la sortie etnorégionaliste du président d’une assemblée nationale. Jusqu’au départ de Biya et bien plus les camerounais doivent s’attendre à de tels actes hasardeux et déplorables, c’est inévitable !

Les impatients passent déjà à l’offensive

Ladite opération une conséquence de la faiblesse d’un régime qui a tenté de se réajuster en fonction des conjonctures pour survivre, aujourd’hui les stratégies de réadaptation sont inopérantes, « l’homme de l’unanimité » est proche de la porte, ses instructions n’ont plus une grande portée car ses proches le conjuguent depuis quelques années au passé. Les motions de soutiens invitant le « Prince de l’unanimité » témoignent simplement de la peur du vide et ses conséquences dans la mesure où les « Impatients » ne sont pas encore sûrs de leur projet ou alors n’ont pas encore bien ficelés l’après Biya. Ces motions permettent justement aux uns et aux autres de gagner du temps pour mieux réviser les projets de succession, ceux qui se sentent déjà prêts ont déjà d’ailleurs lancé les hostilités.

Tentatives de mobilisation des patries secondaires

Nous sommes parti jusqu’à la fin du règne de Biya . Les brouilles actuelles n’ont qu’un seul objet : l’émasculation pouvoir central et dans ce type de projet comme tout ailleurs en Afrique il faut faire recours aux replis identitaires, la religion et l’ethnie seront de plus en plus mobilisées soit pour stigmatiser et disqualifier un belligérant, soit pour servir d’allié en cas de conjoncture critique.  Les intentions tribalistes des uns et des autres ne seront plus dissimulées pour longtemps, il est clair que malgré les slogans autour de l’unité nationale, les acteurs dans la guerre de succession sont plus que tribalistes et comptent déjà se servir des patries secondaires pour conquérir le trône.

L’unité nationale a été dérobée

L’unité nationale a échoué sous le Renouveau tout simplement parce qu’on a rendu cette réalité en un slogan de maintien au pouvoir, un maquillage qui finira un jour par faire découvrir la face pudique du Cameroun. L’intégration s’est plus focalisée dans le partage entre les apparatchiks, des ressources du pays en instaurant une formule bricolée de « l’élite ». Pour Biya, il faut juste nommer un fils du coin et faire développer la contrée or se sont plutôt les élites qui se sont servies des tribus et ethnies pour justifier leur présence dans le sérail.

 Cette politique qui devait éviter la marginalisation et désenclaver des zones dites abandonnées a plutôt crée un sentiment de suspicion entre groupes sociaux laissant croire qu’on a privilégié certaines ethnies, or c’est une élite fainéante qui a plutôt détournée tous les maigres projets  qui pouvaient développer les pays. Il y a ce sentiment que certains ont été favorisés et ce sentiment sera de plus en plus manipulé par ces mêmes élites afin de rompre toute chance de consensus autour du futur leader. Ce sont des manœuvres calculées qui ont été mises sur pied pour mobiliser ces ethnies le moment venu, sous prétexte qu’elles ont été stigmatisées par les ressortissants d’une autre ethnie qui aurait privatisé le pays. Ce sentiment frelaté persiste et sera d’une grande utilité pour les belligérants.

Boko Haram est sans doute l’un des logiciels déguisé mis sur pied par des forces alternatives impatientes d’attendre le verdict d’une succession pacifique. Avec le temps, les « impatients » naîtront chacun avec sa stratégie conventionnelle ou non mais avec un dénominateur commun, l’instabilité politique. Les attaques de l’Est et du Nord ne sont que des essaies injectés dans le champ quid à  ce que l’un réussisse et il y en aura encore jusqu’au départ de Biya voire après. Les « impatients » pensent que l’après Biya c’est le moment ou jamais de prendre le contrôle du pays, parce que ces dernier redoutent l’arrivée d’un leader qui pourrait se transformer en totem, en potentat et neutraliser à son tour le pays pendant plus de 30 ans.

Il y aura urgence d’un dialogue national pour chasser le spectre de l’instabilité

La crise des villes mortes a été un tournant manqué pour le Cameroun, car la conférence nationale souveraine aurait permis la rupture avec les pratiques monopolistiques et accorder à l’ordre gouvernement une véritable légitimité démocratique qui pouvait enrayer l’ombre des batailles non conventionnelles dans l’esprit des camerounais. Dommage jusqu’ici, on a que différé l’échéance.

Il est impossible pour le Cameroun de chasser le spectre de l’instabilité politique sans créer une rupture avec l’autoritarisme qui passe par une espèce de conférence nationale ou de commission vérité et réconciliation. Or ce type d’initiatives n’émergent qu’après de profonds troubles sociaux politiques, ce qui d’ailleurs inévitable pour le Cameroun car tôt ou tard, la décompression totale de l’ordre autoritaire régnant va s’imposer comme une urgence et cette décompression ne pourra pas se faire à la douceur, en effet personne ne voudra lâcher prise.

Les pensionnaires du RDPC au cœur des évènements

  Par ailleurs il est prouvé que les malheurs du Cameroun viennent et viendront du Dragon idéologique dénommé RDPC, les auteurs de l’instabilité du Cameroun se recrutent et se recruteront au sein de ce parti dont les membres ou anciens membres sont les seules favoris dans la guerre de succession car, ayant accumulé un capital économique, social et symbolique, ils sont les seuls à même de mener une telle bataille.

Début d’une guerre entre les factions du régimes

Alors nous allons nous acheminer progressivement vers la fracture ouverte entre les héritiers du régime qui se divisent en trois grands complexes : Les Biyaistes (ceux qui ne survivent que grâce à Biya), les Rdpcistes (des opportunistes qui tiennent leur survie de l’ordre établi) et les infiltrés (ce sont ceux qui préparent le départ de Biya depuis plus de 20 ans aujourd’hui, qui travaillent au jour le jour pour hériter du pouvoir par n’importe quel moyen).

Aristide Mono

 


Marie Colombe Ngodjou : une féministe gabonaise chez nous !

Marie Colombe

Marie Colombe, une Africaine aux multiples facettes était l’hôte du Cameroun toute la semaine écoulée pour porter à la fois le discours d’une féministe et celle d’une femme de culture, d’abord dans la capitale économique Douala, ensuite à Yaoundé.  Elle a profité de ces quelques jours de congé pour se consacrer à la promotion de la femme et de son album gospel ou elle innove avec la célèbre « Danse de David ».

Le premier acte de son voyage a été l’établissement de multiples partenariats avec les femmes dynamiques de Douala qui lui ont cédé une expertise sur la fabrication des produits locaux. Beaucoup d’échanges ont porté sur une plus grande internationalisation du Festidames qui est une initiative de Marie Colombe. Dans ce projet féministe qui permet à de nombreuses Africaines de se rendre au Gabon , elle bénéficie du soutien des pouvoirs publics.

Marie Colombe Ngodjou  est la présentatrice vedette de l’émission matinale sur la Radio télé Gabon (RTG1) intitulée « Mbolo le Gabon ». Elle a été rédactrice en chef des actualités télévisées, ainsi que rédactrice adjointe dans le même département, sans oublier ses responsabilités de conseiller du directeur général de la première chaîne de télévision gabonaise. Cette expertise a été mise en contribution dans la coprésentation des émissions au Cameroun lors de son séjour, elle a participé au mythique magazine de la Cameroun Radio télévision « TAM TAM Weekend ». Elle a pris part à de multiples émissions des télévisions locales sans oublier les radios au point où elle était obligée de rejeter l’offre de certains médias pour des raisons d’indisponibilité.

Marie Colombe en moins de 4 jours est devenue une figure emblématique des plateaux, normale ! si on s’en tient au dynamisme et l’humilité de la femme. Elle a dû surmonter à la dernière minute la surcharge de son agenda afin de répondre présente à la grande émission-débat dominicale de la CRTV « Scène de presse » où on a découvert qu’elle ne gardait pas sa langue dans la poche, surtout lorsqu’on aborde des thématiques telles que l’éducation en cette période de rentrée scolaire.

Marie colombe a profité de son séjour pour présenter aux mélomanes et au grand public camerounais son joyau artistique, son tout nouvel album intitulé la « Danse de David », il s’agit d’un métissage de rythmes puisés dans diverses aires culturelles plus particulièrement de la communauté américaine et des plus profondes entrailles de l’Afrique équatoriale. Curieusement Marie Colombe sera surprise que ses productions artistiques gospels étaient déjà appréciées par les Camerounais, c’était alors une communion totale entre la star et ses fans. Comme nous l’a évoqué à plusieurs reprises pour Marie Colombe, Dieu demeure l’alpha et l’oméga de nos vies, de nos destins et du monde d’une manière globale.

Marie Colombe et la féministe Justine Diffo
Marie Colombe et la féministe Justine Diffo

Marie Colombe n’a pas manqué de s’entretenir avec les têtes de prou du féminisme camerounais dont la réputée juriste Justine Diffo qui a manifesté un intérêt particulier pour le projet Festidame qui est une plateforme qui vient valoriser la femme africaine. Les deux dames pensent que la conjugaison de leurs efforts et de leurs engagements dans la sous-région peut faire bouger considérablement le statut de la femme dansle continent. De leurs échanges sont nées beaucoup d’initiatives dont une partie sera confiée au cabinet de communication Médias-Biz, la structure organisatrice de Foire internationale de la musique et des métiers de la musique sous le patronage du ministère des Arts et la Culture du 25 au 30 novembre au palais de sport de Yaoundé.

 

Marie Colombe et le ministre de la communication camerounais Ensuite Marie colombe a eu ce privilège de rencontrer  le ministre des Arts et  de la Culture ainsi que celui de la Communication.

 

Enfin la fondatrice de la « Danse de David » a eu à présenter au public camerounais le visage caché de l’artiste-prophétesse à savoir son ouvrage de 166 pages inspiré selon ses propos de l’Esprit saint et intitulé « message aux Peuls du monde, la femme complice de Dieu ». Un titre fort évocateur qui montre que Marie Colombe à travers la littérature peut magnifier la gloire du créateur.

Les artistes camerounais

En somme les Camerounais avaient à accueillir soit la star télé, soit l’artiste, soit l’écrivaine ou alors la féministe, en fait pour surmonter ces choix multiples ils ont unanimement accueilli Marie Colombe Ngodjou l’Africaine aux multiples casquettes.


Succession du président Biya : enjeux, acteurs et stratégies

Mono

Arrivé au pouvoir en 1982 à travers une parentocratie de type impur (passation du pouvoir à son filleul politique), Biya cumule plus de 30 ans de pontificat présidentiel. Agé de 81 ans, son fauteuil fait de plus en plus l’objet de beaucoup de convoitises à l’heure où certains pensent qu’il est déjà presque à la porte de sortie. Les enjeux de la succession font naître une multitude d’acteurs qui ne lésinent sur aucune stratégie pour s’affirmer comme héritier de la chefferie constitutionnelle de Yaoundé.


Un sujet presque tabou   

Encore hantés par l’omnipotence et l’omniprésence d’un prince éternitaire voire éternel, certains Camerounais refusent encore de poser l’hypothèse du départ de Paul Biya du pouvoir, beaucoup dessinent le chaos. Argument pertinent d’autant plus que le charisme et la puissance de l’homme restent jusqu’ici inégalables. Cette déification du détenteur d’un mandat relève de ce processus d’adoubement qui a fait de l’homme un totem dont l’absence entraînerait le désastre.

Enjeux de reproduction pour les proches de Biya

Les partisans du régime actuel nourrissent l’envie de pérenniser le système en vue de sécuriser des acquis de plus de 50 ans ou alors de 32 ans de règne selon qu’on est arrivé aux affaires à l’époque d’Ahidjo ou de Biya, acquis glanés au terme d’un règne de favoritisme, népotisme et prévarication. Alors, la caste qui contrôle actuellement les ressources administratives, politiques et économiques n’est pas prête à cracher sur l’offrande. L’instinct de survie politique et économique fait focaliser l’attention des apparatchiks de l’heure sur tous les détails de la succession.

La méfiance entre proches, héritiers potentiels

La personnification de l’Etat a fait de Biya le symbole unificateur, le garant de la stabilité et de la reproduction du régime. Aujourd’hui, certains redoutent l’incapacité d’un héritier à assurer la continuité du biyaisme d’où la méfiance et les guerres latentes dans le cercle proche du proche du pouvoir. Ce sentiment habite notamment les hauts cadres de l’armée.

Rupture pour les forces alternatives

En face, on retrouve des forces dites alternatives, exaspérée par la « mêmeté ». Ces dernières, assoiffées de pouvoir, butent jusqu’ici face à un adversaire qui a configuré le jeu de telle manière à être toujours le gagnant. Elles comptent profiter du départ de Biya pour caresser ce rêve d’émasculer les responsables de la décrépitude du pays. C’est le moment où jamais de renverser cette bourgeoisie.

Les acteurs

Les enjeux de la succession de Paul Biya sont énormes, cruciaux et sensibles et mobilisent par conséquent une multiplicité d’acteurs d’horizons divers se définissant comme personnes physiques ou morales. La nature de ces acteurs dépend de leur appréhension de la transition. Si certains émettent des hypothèses d’une succession pacifique, d’autres se préparent à la thèse d’une transition non démocratique.

D’abord les acolytes de Biya, chérifs du sérail

Au rang de ceux qui croient à une transition démocratique il y a des acolytes et valets actuels du président Biya, même s’ils ne perdent pas de vue que le mot démocratie ici est abusivement utilisé parce qu’au fond il va s’agir d’une cooptation d’un élément du sérail. Les partisans du régime de Yaoundé se préparent à deux scénarios, à savoir la démission du président ou sa mort au pouvoir. Les éternels ministres de la République surtout ceux de la région du Grand-centre-Sud- Littoral s’affichent ici comme les grands favoris de la succession au cas où le président arrivait à démissionner. Les élites du Nord habitées par un esprit revanchard latent à cause de leur perte du pouvoir au profit d’un Sudiste pensent que les possibilités de retour au trône sont grandes dans le cas de la mort du président au pouvoir. Mais qu’à cela ne tienne, les incontestés fidèles de Biya se constituent également en petits clans ethniques pour succéder à leur mentor, candidat naturel, champion du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais).

Les acteurs au sein du sérail en course pour le trône ainsi que l’opinion ou un observateur averti excluent l’hypothèse d’une parentocratie pure.

Les partis politiques sont disqualifiés

Les partis politiques sont disqualifiés dans la succession, car elle ne saurait en aucun cas être le fruit d’une défaite électorale du parti au pouvoir. Une opposition réduite à une existence bestiale, désincarnée. L’un des leaders des partis d’opposition pourra peut-être entrer au palais après le départ de Paul Biya, mais seulement en tant que leader de la société civile.

La société civile comme principale parti d’opposition

En parlant de la société civile, il faut préciser qu’elle reste le principal parti d’opposition au Cameroun. Elle est la seule entité qui inquiète et secoue le pouvoir de Yaoundé, les partis d’opposition ayant démontré leur amateurisme sont désavoués par la population. La société civile renferme des acteurs jouissant de plus de crédibilité et bénéficiant plus de la sympathie du peuple que les leaders d’opposition partisane. Rappelons que l’affirmation d’un acteur de la société civile, successeur de Paul Biya, n’est possible que dans le cadre d’une révolte populaire.

Les éventuels putschistes

Aucun Etat africain n’étant pas à l’abri des coups d’Etat il n’est pas exclu que les acteurs en font usage au vu également de nombreuses informations qui circulent à propos de l’entrée massive des stocks d’armes. Ce forfait peut être mené par les membres du sérail qui redouteraient la bonne foi de successeur désigné, par anticipation ils pourront opter pour un putsch.

La rébellion pourrait également venir de l’extérieur montée par des Camerounais de la diaspora ou simplement des exilés politiques. Ils pourraient bénéficier de l’aide des entités politiques étrangères, surtout d’un pays frontalier.

Que dire enfin des hauts cadres de l’armée

Beaucoup de zones d’ombre planent sur leurs réelles intentions des forces militaires après le départ de Paul Biya surtout s’ils sentent leurs avantages princiers menacés.

La stratégie des acteurs

Successeur désigné (parentocratie de type impur)

Le président Biya, on ne l’a pas peut être précisé plus haut est l’un des principaux acteurs de la transition. Sa stratégie est adossée sur la discrétion, c’est pourquoi il s’investit dans une supposée improvisation et fait émerger beaucoup de potentiels dauphins afin de brouiller les pistes d’identification du véritable successeur désigné puisqu’il en existe. Cette stratégie vise également à ne pas créer la frustration des potentiels dauphins qui déçus pourront ne plus lui faire allégeance.

Disqualification des potentiels héritiers

Des challengers à la succession ne se limitent pas à détruire les carrières de leurs camarades du parti ou à les discréditer en les enfonçant dans les scandales financiers et de mœurs (la fameuse liste des 50 homosexuels du Cameroun), mais ils s’investissent aussi dans la séduction. Des astuces pour faire les yeux doux au président Biya afin d’obtenir des faveurs. On peut citer la stratégie du griotisme qui consiste à chanter les louanges au président, ce système de déification passe par l’occupation des places publiques et donc médiatiques.

Stratégie de séduction du chérif central

Il y a les griots, il y a également ceux qui s’investissent dans les motions de déférence qui relèvent d’une vaste escroquerie car il s’agit de créer une légitimité fictive qui réside exclusivement dans l’imaginaire de ses rédacteurs. Les motions de soutien et appels à candidature sont montés  par des groupuscules qui impliquent toute une population dans leur aplat ventrisme.

 Activisme de la société civile, provoquer une révolte populaire  

Ayant déjà disqualifié les partis politiques de la succession de Biya, arrêtons nous sur celle de la société civile qui absorbe les leaders de l’opposition. L’arme principale reste l’activisme de terrain qui passe par l’occupation de l’espace public en cherchant à s’affirmer comme leader charismatique porteur de causes des cadets sociaux. Il s’agit précisément de démontrer à l’opinion nationale et internationale votre capacité à invectiver Biya et votre volonté à mourir pour le peuple même si cela dans certains cas peut s’apparenter à  de la flagornerie. Le discours utilisé est subversif, humaniste et hypocrite dans la mesure où l’on veut laisser transparaître une certaine neutralité, un désintéressement du pouvoir sous prétexte qu’on est préoccupé par l’avenir de l’homme et de la société.

 En outre il est à préciser que les acteurs de la société civile de même que les challengers issus du pouvoir en place bénéficient d’un appui énorme des forces de pression qu’elles soient endogènes ou exogènes, qu’elles soient physiques ou mystiques. Des réseaux sont mis en branle, des lobbies et les groupent exotérique s’activent à positionner leur joker, les forces internationales à savoir des chancelleries occidentales et orientales, les multinationales  et autres, cherchent à fabriquer et à soutenir un successeur afin d’assurer leurs intérêts purement économiques après le départ de Biya.

Mobilisation des replis identitaires (tribaux, ethno-régionaux et linguistiques)

D’autres stratégies sont mobilisées par les dauphins à la succession présidentielle, les replis identitaires deviennent de plus en plus forts. Le tribalisme est donc une ressource dans le jeu de succession à travers un discours qui vise à appeler les frères d’une même ethnie à ne pas laisser échapper le pouvoir après le départ de Paul Biya. Les unités tribales sont sous alerte maximale d’où le spectre d’une menace d’une crise inter-tribale ou inter ethno-régionale.  Dans cette bataille entre composantes sociologiques, il faut avouer qu’il y a peu de chance qu’on assiste à un véritable duel de succession entre anglophones et francophones, tout simplement parce que les francophones constituent une majorité écrasante. Ceci ne signifie nullement que les anglophones sont exclus du jeu de succession, mais juste qu’ils n’ont aucune chance d’accéder au pouvoir en tant qu’anglophones.

Stratégies des éventuels putschistes, et si c’était les forces déguisées en Boko Haram?

Un coup d’Etat mené par les hauts gradés de l’armée en cas de vacance à la tête de l’Etat n’est pas à écarter. Cette armée est même au cœur de la perpétuation du souverain de Yaoundé au pouvoir. En des situations difficiles comme en 1984, en 1990 ou 2008, le régime n’a eu de vie sauve que grâce à l’intervention répressive, très brutale de l’armée ce qui nous pousse à conclure que le Cameroun est entre les mains de l’armée qui prend toujours position en dernier ressort.

La succession de Biya est bien complexe puisque toutes les pistes claires sont brouillées. Quatre hypothèses seraient envisageables : l’hypothèse d’un successeur désigné, l’hypothèse d’une révolte populaire amenant un homme consensuel (proche de la société civile) à la tête de l’Etat, une révolution de palais orchestrée par les hauts gradés de l’armée ou enfin la fragilisation du pouvoir central par une milice (des insurgés) afin de provoquer une révolution.