CAMEROUN: Lutte armée sécessionniste anglophone, comment sortir par le dialogue

7 juin 2019

CAMEROUN: Lutte armée sécessionniste anglophone, comment sortir par le dialogue

Si j’étais un conseiller du président voici ce que je lui dirais. 

Au vu de la complexité et du caractère aussi global du problème à résoudre, le dialogue doit porter sur la situation socio politique générale du Cameroun parce que la crise anglophone et d’autres ennuis sécuritaires que connait le pays ont pour dénominateur commun, la crise hégémonique de l’Etat. Ceci signifie que son modèle et ses pratiques ne rencontrent plus chez certains une réelle adhésion d’où l’urgence d’une discussion large sur sa refonte et sa gouvernance au-delà de la question « anglophone ». Ce débat aura ce grand avantage de prévenir une fois l’explosion des crises en gestation. Seulement cette extension du dialogue ne doit pas banaliser le problème spécifique anglophone à l’origine dudit dialogue au risque de frustrer les entrepreneurs de la crise et compromettre leur disponibilité. Bref, le dialogue doit s’étendre sur des préoccupations nationales de l’Etat en désagrégation  mais à l’issue d’un dialogue spécial sur le contentieux politique historique anglophone.

La forme et les points à aborder dans le cadre de ce dialogue

Il est déjà important d’organiser les discussions à deux niveaux. Un premier, intra-anglophone pour agréger les tendances fortes des différentes positions et propositions des populations dites anglophones sur la crise. Ceci permettra de mettre à rude épreuve la légitimité clamée des sécessionnistes. Un deuxième, national. Il doit permettre à la nation de se prononcer sur les conclusions du débat intra anglophone ne pouvant pas être résolues par le gouvernement parce que ne relevant pas de sa compétence –  par exemple la forme de l’Etat – et parce que portant sur des préoccupations du reste des aires sociologiques du pays. Ceci étant, la forme et les points du dialogue doivent obéir à ces deux échelles de discussions suivant des formes informelles et formelles. Le dialogue informel, qu’on peut qualifier de tractations de coulisses, qui est déjà d’ailleurs engagé par le gouvernement, doit permettre d’identifier les participants pertinents au débat entre anglophones et les termes des échanges formels. Le dialogue formel quant à lui doit au niveau intra-anglophone avoir la forme d’une conférence du type all anglophone conference et au niveau national suivre le modèle d’une conférence nationale. Les points à aborder dans le débat intra anglophone doivent porter sur la question de la marginalisation et le contentieux historique des termes de l’indépendance du Southern Cameroon à vider une fois pour toute. Quant au débat national, la question de la forme de l’Etat et de son mode de gouvernement à même de garantir le bien être de tous, disons la rédaction d’une nouvelle constitution, doivent être au centre des discussions.

Du profil des participants

Le débat intra-anglophone doit avoir pour acteurs majeurs les autorités traditionnelles et religieuses des régions dites anglophones, les représentants de tous les groupes armés sécessionnistes (radicaux), les représentants des sécessionnistes non armés (modérés), les représentants des tendances diasporiques, les leaders de partis anglophones, les représentants de la société civile anglophone et les représentants diplomatiques au Cameroun. Ce débat intra-anglophone doit être conditionné par un engagement écrit du gouvernement d’accorder une immunité de circonstance aux mandataires des groupes armés. Maintenant le débat national qui est le deuxième palier de discussion, doit avoir les chefs traditionnels de premier et de deuxième degré exclusivement comme porteurs des causes régionales. Ils sont ma foi, à quelques exceptions près, plus crédibles, légitimes et proches des aspirations locales, ceci en présence des diplomates accrédités au Cameroun. Vous comprenez que nous excluons totalement à ce niveau de discussion les hommes politiques qui risquent de plomber la franchise du débat au nom de la sécurisation des privilèges pouvoiristes ou des luttes de conquête de pouvoirs comme en 1991.

La question du médiateur

Je ne parlerais pas d’un médiateur mais des médiateurs au vu de la stratification et la typologie des discussions relevées. En ce qui concerne le dialogue informel les principaux médiateurs devraient être les hommes d’églises représentatifs dans les régions, conduits par le Cardinal Tumi. Le débat formel à son tour devrait avoir pour seul médiateur le premier ministre tant au niveau intra-anglophone que national.

Pour les auteurs des exactions

l’idéal aurait été le triptyque justice-vérité-réconciliation, seulement le plus grand défi c’est d’inciter les porteurs d’armes à dialoguer, alors au risque de maintenir ces derniers dans des batailles armées de survie par peur pour la justice, nous proposons le pardon et la réconciliation. A ce moment l’Etat pourra s’occuper de la réparation à la hauteur de ses moyens et des éventuelles contributions des donateurs.

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