La problématique de la majorité anti-démocratique en Afrique

18 janvier 2014

La problématique de la majorité anti-démocratique en Afrique

Dans les Etats africains s’est développée une majorité électorale plus qu’écrasante qualifiée par certains acteurs de la scène politique de majorité obèse. Il s’agit d’une hyper captation par le parti au pouvoir de tous les postes électifs débouchant à une résurgence des réflexes monopartistes. Alors sans toute fois interroger la provenance d’une telle majorité gargantuesque il faut dire tout simplement qu’elle constitue une obstruction au processus de démocratisation.

Bon nombre de régimes connaissent un accaparement des dividendes politiques par une seule formation politique qui contrôle, les 90% des conseils municipaux de même que le parlement et le gouvernement. Les partis alternatifs sont réduits dans ce cas à un rôle non pas simplement de spectateurs mais celui de légitimation des compétitions électorales comme exigence de la démocratie représentative. Cette opposition sert de caution démocratique auprès de la communauté internationale pour justifier la libération et la libéralisation des élections dans les pays post autoritaires. Les partis au trône à défaut de créer des forces alternatives pour jouer, ils les entretiennent et les soutiennent de telle sorte qu’ils ne puissent pas opter pour une opération « pied mort » (non participation ou chaise vide) au risque de décrédibiliser le mot démocratie exhibé dans le patronyme même de l’Etat comme c’est le cas de la célèbre République DEMOCRATIQUE du Congo.

Malgré l’existence des formations politiques dites de l’opposition il faut reconnaitre que ces dernières ne sont pas à même d’inverser ou d’influencer considérablement le rapport de force. Si on prend par exemple le cas camerounais où le parti au pouvoir contrôle plus de 148 sièges contre 32 pour les autres partis, on peut déjà prématurément conclure qu’il n’y aura pas débat dans ce type de configuration, étant donné que la discipline du parti reste une arme de contrôle et d’encapsulation des élus. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre une quelconque résistance à la volonté du président de la république chef du parti d’où le nom de chambre d’acclamation collé au parlement camerounais.

L’une des entraves de la majorité gargantuesque au processus démocratique est le retour à la politique unanimitaire donc de la pensée unique produite par le seul parti au pouvoir qui s’identifie non pas à un parti Etat mais un parti d’Etat, c’est-à-dire un instrument politique de la bureaucratie néopatrimonialiste. Les slogans et autres langages du parti sont structurellement intériorisés par toute l’administration de manière à créer une confusion quand à la frontière qui pourrait exister entre le label partisan et l’appareil bureaucratique qui exige une abstraction des filiations idéologiques. En général les agents de l’Etat dans ce cas doivent préalablement émarger en tant que militant avant leur accession ou leur maintien à la fonction publique. En fait, les partis aux majorités débordantes immergent la sphère publique et finissent par prendre toute l’administration en otage.

Ceci pose évidemment le problème de la neutralité de l’administration et ces organes annexes en charge du scrutin puisque presque tous les agents se trouvent redevables envers le parti hyper majoritaire, mettant en difficulté l’indépendance que requièrent l’arbitrage et l’organisation d’une compétition électorale. Tout est acquis en avance pour le parti au pouvoir parce que l’ensemble du personnel administratif a d’une manière ou d’une autre des affinités avec ce Léviathan politique qui absorbe tout le peuple. Le choix des hommes impartiaux s’avère difficile dans un tel contexte parce qu’on a l’impression que tout le monde appartient a un même et seul parti hyper dominant. On peut relever la difficulté des castings politiques afin de nommer des hommes au dessus de tout soupçon n’ayant un quelconque rapport conniventiel avec le parti d’Etat.

Comme nous l’avons évoqué brièvement plus haut on assiste ipso facto à une opposition fantôme ou simplement sans opposants. Ceci peut s’expliquer par deux arguments. D’abord l’esprit de résignation dû à l’impression d’une compétition non concurrentielle car l’adversaire largement au dessus ne donne aucun espoirs d’exploit politique aux forces alternatives. Ainsi se développe l’idée du « déjà gagné d’avance». De l’autre coté les partis d’oppositions apparaissent comme des fabrications de leur challenger au pouvoir qui se réjouit de la réduction de leur rôle en animateur du jeu électoral afin de le crédibiliser. L’opposition devient mendiante et pactise sous terrainement avec le parti à la majorité grossière. En effet face à la politique à somme nulle pratiquée par les majorités gargantuesques et pour prendre part au partage du « National Cake », l’opposition est amenée à courtiser le parti au pouvoir parce qu’elle estime qu’elle ne peut rien changer face à une telle majorité.

La majorité hyper écrasante que ses adeptes appellent affectueusement majorité confortable est le premier obstacle au processus démocratique en Afrique. Cette domination est congénitalement dérangeante non seulement du fait qu’elle est acquise par infraction mais parce qu’elle hypothèque tout débat national inclusif et constructif en condamnant les forces à la résignation d’où les taux d’abstentions élevés et de non inscription sur les listes électorales très considérables.

Revenant sur la résignation, il faut insister sur la désillusion des forces alternatives c’est-à-dire le recul du champ de possibilité d’une alternance démocratique.  Ceci dilue le charme de l’intensité des duels électoraux comme on le voit aux Etats unis et en France. En fait il n’y a pas match. Bref la majorité gargantuesque dissipe toute chance d’alternance dans un Etat en le vernissant d’une couche voire d’une bonne dose d’autoritarisme. La démocratie ne peut s’implanter dans un tel bourbier politique où la répartition déséquilibrée du pouvoir politique ne peut que concourir à la pérennisation de la majorité grossière. Le rapport de force décourage toute entreprise de changement politique et le parti majoritairement obèse devient par conséquent éternitaire.

Il y a également un impact sur le travail politique au parlement et au sein des conseils municipaux pluripartistes. Les élus du parti majoritairement gargantuesque ne sont confrontés à aucune résistance, la volonté du parti est toujours triomphante parque que les représentants de l’opposition auront à chaque fois tord parce qu’ils sont minoritaires. Il ne peut pas avoir un réel débat dans de telles conditions puisque toutes les lois bénéficieront sur la simple base de la discipline du parti de l’acclamation et de la validation expéditif des 90% des mandataires du peuple tous pensionnaires du parti au pouvoir. L’activité parlementaire est compromise quant au contrôle de l’action gouvernementale, les deux institutions sont gérées sans concurrence par une même chapelle politique qui impose aux personnels, solidarité et allégeance inconditionnel au chef du parti, généralement chef de l’Etat qui définit l’action gouvernementale.

La constitution du bureau et les commissions des assemblées électives pour des besoins de cosmétique politique amène la majorité éléphantesque  à procéder au bricolage et autres formes de tractations afin de bigarrer ces instances. On peut prendre l’exemple de la renaissance du parti nationaliste camerounais (UPC) qui avait été ressuscité par le parti au pouvoir, et le cas des sénatoriales 2013 où le RDPC c’est retirer délibérément de la course dans deux régions afin de permettre au moins à un parti d’opposition de glaner 14 sièges sur les 70.

On tend alors vers des régimes monopartisans autoritaires et non communistes car dans le cas du parti unique en chine on assiste au moins aux débats objectifs et houleux, plus démocratiques à l’intérieur du parti. Ces monopartismes autoritaires sont également loin du système de catch all parti de l’Afrique du sud tout simplement parce qu’ici les opinions divergentes sont permises au sein de l’ANC permettant l’érection des idées alternatives.

 

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Commentaires

jean -baptiste baboua
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En fait nous devons nous poser la question de savoir si l'Afrique doit migrer vers des idéaux et des concepts occidentaux plutôt que de définir son propre système politique?
Par conséquent le sentiment nationaliste qui nous anime devrait s'atteler a penser a notre développement dans une perspective originale sans copie des modèles politiques qui sont des succes stories ailleurs.L' expérience ayant démontre que les paradigmes occidentaux poserait un énorme problème d'acclimatation aux africains.Il serait donc intéressant de voir ce problème de démocratie sur un autre angle, non pas celui qui satisfait les systèmes libéraux tel que décrit par l'occident mais selon les normes africaines qui s’attelle a poser certains principes juste pour ne pas paraitre coq dans un millénaire de poules.
le seul exemple de la lybie prouve que la democratie n'est pas africain...Pensons alors a un regime qui soit notre au lieu de courir vers un ideal qui nous detruira et nous alignera toujours comme les singes imitateurs de l'occident

Aristide MONO
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Je partage totalement ta vision d’une production de système politique typiquement africain seulement la seule inquiétude qui m’anime est celle de la volonté politique. Les politiciens africains sont-il prêt à sacrifier leur boulimie de sang, de pouvoir et de fortune pour mettre le citoyen au cœur de la nation ? Je te concède le cas de la Lybie mais la répartition des richesses dans un pays doit se faire suivant des règles plus égalitaires sinon méritoires, aussi je pense que si Kadhafi a eu à satisfaire les besoins de la première échelle de Maslow, qu’à t-il fait des quatre autres étapes, donc la revendication allait surgir tôt ou tard. On ne peut pas continuer à résumer les exigences d’un peuple en termes de pain quotidien. Par ailleurs l’on ne pas conclure une incompatibilité de la démocratie avec le model social africain. Il est difficile de dire qu’il y a eu échec parce que jusqu’ici rare sont des pays africains qui ont déjà testé ce système politique. Testons la démocratie avant de l’évaluer ! Tous qu’on a jusqu’ici ce n’est qu’une vaste escroquerie politique, il n’y a jamais eu de démocratie effective car il n’y a aucune volonté politique.