Ce « sachet » qui soulage en tuant à petit feu au Cameroun!

16 décembre 2013

Ce « sachet » qui soulage en tuant à petit feu au Cameroun!

Il est six heures du matin, les jeunes du quartier se retrouvent au « Tchapalo » pour prendre un déjeuner d’un autre genre, un petit whisky en sachet au prix unique de 100f CFA connu sous le nom de Kitoko. Tous sont unanimes qu’après une gorgée « On est High père ! ». C’est-à-dire élevé au dessus de tout le stress des journées très fatigantes. Bref « on est Zion » pour emprunter une expression de l’argot Jah rastafari.

En face du « Tchapalo », c’est la boutique du malien du quartier, Abou qui vient de servir un sachet à un sexagénaire en « tenue de combat » (habit champêtre). Il vient également chercher un remontant avant de rejoindre sa plantation derrière l’évêché, il ne manque pas d’en garder  pour midi ou éventuellement à un compagnon avec qui il va décrier l’inertie et la déperdition des jeunes du quartier.

Les taximen motos sont les plus accrochés, car pour eux cet élixir est adéquat pour  réchauffer les poumons et maintenir en forme durant toute une journée de dur labeur. Par conséquent le tapis rouge est ainsi déroulé aux accidents de circulation causés par ces jeunes généralement diplômés qui, à défaut de créer un nouveau Cameroun ont trouvé mieux de se recréer en se soulant la gueule pour « chasser la honte » de la société qui a cru en eux quand ils étaient en fac.

Kitoko, Lion d’or, Fighter, voilà les différentes marques de whisky en sachet les plus prisées par le prolétariat au Cameroun. Malgré les injonctions du gouvernement au sujet de l’interdiction de la commercialisation de ce « papa bonheur », la consommation va croissante. Ses adeptes  ne tarissent pas d’éloge à son sujet, tout en refusant cependant d’admettre l’effet nocif et même mortel des Kitoko. Les téméraires vous dirons que « tu bois tu meurs, tu ne bois pas tu meurs », alors vous avez tout compris.

Les sachets sont de plus en plus prisés pour diverses raisons. Ils sont « moins chers » 100 CFA,  largement en dessous de 600 F et de 1200 F, les prix respectif d’une bouteille bière et d’un litre de vin rouge. Ce qui rend le produit accessible aux petites bourses loin des sommes faramineuses que l’on peut débourser pour un Chwaz ou Grant. C’est ainsi que dans un élan de solidarité africaine on peut facilement l’offrir à des proches sans que l’on ne ressente la dépense. « C’est le vin des Nguémés » (démunis).

La consommation du sachet de Kitoko ou de Lion d’or est plus discrète que celle de la bière ou du vin rouge car son contenant en plastique-sucette est dissimulable et permet aux jeunes d’échapper au contrôle parentale  de même qu’aux vieillards d’échapper à la vigilance des grands-mères. Il suffit d’un petit tour derrière le manguier ou la cabane, et le tour est joué « ni vu ni connu ». Pour couronner le tout, Les consommateurs de cette denrée qui fait rage au Cameroun pousse le bouchon plus loin au travers des chansonnettes et slogans qui lui sont chaleureusement dédié à l’instar de ce celui-ci : « nous te disons merci, Kitoko ».

Le whisky en sachet peut se boire en une seule gorgée et les effets produits répondent aux attentes. Le taux d’alcool est de 45% contrairement à une bouteille de bière de 65 cl qui coute 600 et en contient que 4,5%. Un seul coup de Kitoko ou de Fighter, on est dans un autre monde, « en paix avec soi même », « on s’en fou pas mal de Biya », « la politique aux politiciens, le kitoko aux soulards !». Le sachet a cet  avantage de rendre les gens « ébote » (saouls) et de noyer les soucis. Drôle de destin pour les jeunes et vieillards débordés par l’injustice sociale et qui trouvent refuge derrière le Kitoko.

D’où proviennent ces sachets ? Certains parlent du Nigéria, d’autres pensent que c’est une fermentation locale dérivée de la transformation d’une certaine espèce de légumes locaux dénommé « okok ». En tout cas cela importe peu, l’essentiel « c’est de se mettre à l’aise ».

Les injures et autres propos grossiers et violents ne tardent pas à céder la place à des engueulades. « Ton père c’est qui ? », « tu es qui ? », « qui te connais ? », « va dire Biya que j’ai soulé », « haha moof ! Quand les vrais gens parlent, tu ose ouvrir ta gueule ? Insolent ! »

Chez les jeunes les débordements de tout bord sont répertoriés. La délinquance, l’oisiveté, l’agressivité physique et j’en passe. Au finish toute une jeunesse est égarée, la république de soulard devient la principale politique publique de l’Etat qui, au lieu d’interroger et résoudre les causes de cette ruée vers ces sachets alcooliques, tente plutôt de gérer le problème par le « haut » en décriant par les discours le phénomène. Dans tout les cas cela les arrangerait d’avoir une jeunesse orientée vers l’alcool et non pas vers les affaires citoyennes et républicaines.

Par ailleurs sur le plan sanitaire, c’est la catastrophe ! Les spécialistes parlent de l’affaiblissement du système immunitaire avec des impacts physiques par exemple la vulnérabilité aux maladies comme la tuberculeuse. La consommation de ces sachets accélère également le vieillissement. Il n’est par rare de voire nos vieux papa avec des bouches déformée et un corps atteint de « tremblote ». Le kitoko tue à petit feu même si ses avantages restent largement convaincants pour de nombreux consommateurs.

Ah ! Au Cameroun on a généralement coutume de dire : « On va alors faire comment ?»

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