Lettre ouverte à Marafa Hamidou Yaya

Article : Lettre ouverte à Marafa Hamidou Yaya
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2 décembre 2013

Lettre ouverte à Marafa Hamidou Yaya

MARAF copie

Un blogueur camerounais écrit à l’ancien ministre de l’intérieur Marafa Hamidou Yaya, ex homme fort du sérail, qui purge actuellement une peine de 25 ans emprisonnement dans les locaux du Secrétariat d’Etat à la défense (SED) et s’affirme aujourd’hui comme opposant.

Monsieur,

Tout le plaisir est le mien de vous apostrophé par la présente activité épistolaire au sujet de votre détention et vos ambitions présidentielles. Il s’agit d’une réaction profane d’un jeune qui perçoit et vit l’opération dite épervier loin des logiques partisanes ou apprentis sorcières.

D’abord il y a une question qui peut tarauder l’esprit d’un jeune moyennement éclairé à savoir, qu’attendiez vous depuis votre érection en thuriféraire de monsieur Paul Biya (17 ans) pour séduire les camerounais par le projet d’alternance qui vous tient à cœur depuis votre séjour au SED. Vous me direz peut être que cette ambition était stratégiquement gardée au frais par peur pour les fougues de votre mentor. Si c’est le cas est ce à dire  que le président décapite tous ses rivaux ? Je pense que nous autres citoyens moyens n’avons aucune souvenance d’une telle Barbarie envers les ex collaborateurs du chef de l’Etat, pour preuve Messieurs Maurice Kamto et Garga Haman Hadji (ex ministres démissionnaires) qui, malgré les obstacles continuent encore à survivre politiquement comme rivaux de Biya.

Il me semble que les camerounais ne peuvent pas facilement vous pardonner le fait qu’il y ait eu un projet alternatif à l’intérieur du sérail mais qui continuait à rendre le régime Biya plus autoritairement démocratique. A titre illustratif,  vous étiez ministre de l’intérieur en 2008 quand les jeunes camerounais (plus de 48) qui ne revendiquaient que le pain quotidien avaient été massacrés à Douala. Peut être vous me direz une fois de plus que vous n’étiez pas responsable de l’ordre publique mais vous étiez quand même le patron des gouverneurs, préfets et sous préfets qui étaient sensés protéger du moins ces jeunes innocents.

Cette même année Monsieur Biya a consolidé son pouvoir éternitaire en levant le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Qu’avez-vous fait pour afficher votre solidarité avec le peuple qui s’est trouvé désarmé face à cette énième dictature ?

Monsieur Marafa, je crois sincèrement que votre ambition de mettre fin à un régime qui a 30 ans de pontificat est un acte salutaire mais il me semble qu’il vous a manqué une seule chose, le timing. Le temps choisi c’est-à-dire celui d’un prisonnier jette un doute sur la bonne foi de votre projet patriotique.

Ce qui laisserait échapper une forte haleine de tentative de manipulation de l’opinion, surtout que le peuple camerounais reste politiquement moutonnier à cause de sa faible culture politique. La naissance précipitée des « pro » et « anti » Marafa, sans que les uns et les autres aient le temps d’identifier les vraies priorités des camerounais, pourrait être liée à vos missives et consolider mon argument.

Ainsi dans une certaine perspective, vos lettres peuvent être effectivement perçues comme une technologie de désorientation et de désinformation des compatriotes. En effet vous cherchez à mettre exclusivement au devant de la scène le coté politique de votre emprisonnement et pourtant nul n’ignore que tous les hauts fonctionnaires camerounais excellent dans la prévarication. En d’autres termes, c’est comme si vous vous êtes attelé à décrédibiliser l’ « opération épervier » or le fond des arrestations des commis de l’Etat est bel et bien pertinent, surtout lorsqu’on essaie d’évaluer le train de vie princier des uns et des autres. De même que les liasses d’argent que les ministres dilapident généralement pour soutenir les campagnes du parti d’Etat, RDPC, un butin largement au dessus des salaires et avantages cumulés.

Je pense que, dire que vous ne devez rien au trésor public ne peut que faire de vous une exception dans une tanière de prévaricateurs. Ce qui est d’ailleurs imaginable mais la perception apriori d’un camerounais éveillé le contraint à prendre la distance vis-à-vis de votre éventuelle gestion angélique durant vos années de thuriférat. En tout cas, je fais confiance à la justice que Biya et vous avez érigée.

A propos de votre offre d’alternance, j’adhèrerais à ces nobles idéaux s’ils étaient portés et impulsés par un camerounais donc le combat politique n’est aucunement lié à ses embuscades judiciaires, c’est-à-dire une élite qui se démarque non pas par des règlements de comptes politiques par exemple mais par la conviction que un changement s’impose.

Votre vision du Cameroun, du fond de votre cellule, est un impératif pour l’émergence. Cependant il me semble qu’il faudrait un personnage au dessus de la mêlé pour l’incarner à moins que vous vous engagez humblement à présenter vos excuses au peuple camerounais tout entier et escompter une amnistie pour l’expression tardive de votre patriotisme. Non pas à cause de vos altercations avec la justice mais pour avoir eu une vision que vous avez gardé pendant 17 ans alors que le peuple avait soif d’un « dinosaure de votre carrure et carrière  pour évincer » Biya.

Je suis partiellement d’accord avec vous, monsieur Marafa que la main politique serait derrière vos 25 ans d’emprisonnement puisque certains des vôtres continuent à toiser la république malgré la toge criminelle (économique) qu’ils arborent fièrement. Seulement pouvez vous nous jurer de votre coté que vous n’avez aucune responsabilité dans l’appauvrissement des caisses de l’Etat ? Parce que dans l’imaginaire des jeunes camerounais il est difficile de croire à la sincérité d’un acolyte de Biya.

Il me semble que vous avez créé des conditions pour être politiquement abattu à bout portant.

Il est important que les « pro » et les « anti » ne perdent pas d’objectif en tentant de tribaliser le débat. D’ailleurs les politiciens africains ont compris qu’en surfant sur la fibre identitaire ils pourront facilement  mobiliser un capital sympathique, affectif et compassionnel afin d’inciter des innocents à une conquête du pouvoir sur fond de fratricide.

A mon humble avis la campagne de lutte contre le banditisme des apparatchiks du régime Biya dénommée « Opération épervier » est une épuration politique des élites qui ont effectivement détourné la sueur du contribuable camerounais.

Il est regrettable que tout un gouvernement se retrouve derrière les barreaux, mais si c’est le prix à payer pour rendre justice au peuple Camerounais victime, il serait souhaitable qu’on vous envoi également un président. Et comme vous l’avez si bien dit dans votre quatrième lettre: « Rendons justice à ces victimes. Car seule la justice nous permettra collectivement de bâtir une société de confiance ».

Monsieur Marafa, lorsque vous vous séjourniez à Garoua, quelle bilan faisiez vous de votre régime au vu de l’opulence dans lequel les élites continuaient à baigner, à coté des familles agglutinées dans des cabanes sous le poids du choléra ?

Je vous souhaite beaucoup de courage tout en espérant que l’avenir pourra vous donner une occasion de faire votre mea-culpa devant le peuple camerounais et bâtir enfin ensemble cette « société de confiance ».

Aristide Mono

 

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