Cameroun:6 novembre 1982: D’Ahidjo Babatoura à Biya Barthélémy ….

Article : Cameroun:6 novembre 1982: D’Ahidjo Babatoura à Biya Barthélémy ….
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5 novembre 2013

Cameroun:6 novembre 1982: D’Ahidjo Babatoura à Biya Barthélémy ….

Si l’histoire dans la logique occidentale est un passé basé sur les écrits, comme on nous a enseigné à l’école, l’histoire de mon pays est basé sur les faits. En 53 ans d’existence le Cameroun n’a connu que deux présidents : Ahidjo et Biya qui au départ entretenaient d’excellents rapports basés sur la confiance mais qui ont finis par se trahir. Qui a été Agrippine ? Qui a été Néron ?

L’histoire de ces deux dinosaures commence officiellement en octobre 1962 lorsque le plus controversé Louis Paul Aujoulat scelle le concubinage entre les deux hommes. Ce dernier confie à Ahidjo Babatoura, son protégé, Biya Barthelemy, élève à l’institut des hautes études d’Outre mer, ce jeune technocrate n’a que 29 ans. Depuis lors, il va connaitre une ascension exponentielle dans le sérail.

En Octobre 62, Biya occupe le poste de chargé de mission à la présidence de la république; en 1964 il est nommé directeur du cabinet du ministre de l’éducation William Eteki  Mbouma ; 1965 il est secrétaire général du même ministère ; juillet 1967  il est directeur du cabinet civil du président de la république ; Janvier 1968, il est secrétaire général de la présidence, cumulant la fonction de directeur du cabinet civil ; en juin il est promu au rang de ministre d’Etat; en 1975 il devient premier ministre et le 6 novembre 1982 il hérite de la présidence de la république.

L’accession de Biya à la magistrature suprême est le fruit d’une série de décrets ou simplement du pouvoir discrétionnaire d’Ahidjo Babatoura, d’ailleurs ce dernier affirmera au quotidien Cameroun tribune trois mois après sa démission que : « c’est parce que je l’ai apprécié que je l’ai nommé premier ministre et l’ai confirmé à ce poste après la révision constitutionnelle qui faisait du premier ministre le successeur du chef de l’Etat en cas de vacances (…), j’avais la possibilité au moment de ma démission de mettre fin à ses fonctions de premier ministre et de le remplacer…».  Jusqu’ici les noces connaissaient leurs heures de gloire malgré les réticences de Germaine Ahidjo.

Ahidjo, craignant l’impact de sa maladie sur la fonction présidentielle, il appela Biya le 4 novembre 1982 et lui donna une heure pour lui confirmer son engagement à assumer la succession car d’autres candidats plus tenaces et puissants étaient aux aguets, en l’occurrence, Moussa Yaya, Sengat Kuoh, Ayissi Mvodo et Samuel Eboua. Biya sans tarder va réaffirmer son engagement au père de la nation et il fut président deux jours plus tard.

En guise de reconnaissance envers Ahidjo, Biya va reconduire Bello Bouba au poste de Premier ministre, et ira jusqu’à proférer solennellement une déclaration anti républicaine lors du discours d’investiture en ces termes: « Quant à la fidélité, d’ordre politique, elle est celle à un homme, S.E Ahmadou Ahidjo, celle à un peuple, le peuple camerounais…». Selon des témoins, le portrait d’Ahidjo restera plus d’un mois dans le bureau de Biya.

Cependant  malgré son retrait, Ahidjo est plus présent  que jamais et c’est le déclin de la relation entre des deux hommes : Qui sera Agrippine et qui sera Néron ? La Suite de l’histoire !

Nonobstant la maladie, Ahidjo se lance dans une intense activité politique. Curieusement le malade maintient un agenda présidentiel, il rend visite au président Nigérian de l’époque Mr Shehu Shagari accompagné des membres du gouvernement au mois de décembre 1982.

Il impose par mois deux réunions des instances supérieures du parti (UNC) qu’il préside personnellement ; le jeune président  remplaçant y est alors relégué au second plan puisqu’il est vice-président du comité central. Ahidjo  dira même, s’adressant à Paul Biya le 11 décembre 1982 : « M. le président de la république, vice-président du comité central, chargé de diriger ou de veiller à la bonne tenue de ces assises (5e conseil national de l’UNC) a pu le faire d’heureuse manière et m’en a rendu compte ».

En plus, Ahidjo entreprend le 23 janvier 1983 une tournée dans 6 des 7 provinces que comptait le Cameroun, excepté celle du nord, appelant les populations à soutenir Biya. Il s’érige en priorité dans l’ordre protocolaire lors des manifestations publiques si bien que Biya arrive avant lui pour l’attendre. Ce bicéphalisme malveillant conduit Biya à étudier sérieusement l’option d’une retraite effective pour  Ahidjo, qui fait ombrage à son  autorité.

Début des contradictions…

Alors que la constitution dit des partis qu’ils « concourent à l’expression du suffrage universel » et que « le président de la République définit la politique de la nation », Ahidjo déclare le 31 janvier 1983 à Cameroun tribune que « le parti définit les orientations politiques de l’Etat. Le gouvernement applique celles-ci ». Biya réplique à RFI : « Dans la constitution qui…est la règle la plus élevée, il est dit que c’est le président de la république qui définit la politique de la nation ».

Lors des primaires,  Biya souhaite comme la majorité des membres les candidatures multiples au sein de l’UNC, mais Ahidjo va s’y opposer et supervisera en personne les investitures en avril et mai 1983 sans y associer Biya. En outre Biya se rend plus tard à Ngaoundéré pour consulter son prédécesseur pour un réaménagement du gouvernement, non seulement celui-ci ne va pas l’accueillir mais il part plutôt visiter son Ranch et fait attendre Biya ; du retour, au lieu de prodiguer les conseils à Biya, il lui impose plutôt une liste !

Avril 1983, Ahidjo entreprend secrètement une révision de la norma nomarum pour constitutionnaliser l’UNC en parti unique. En mai 1983 il chalenge Biya lors du discours d’ouverture de la campagne en disant « Camerounaise, camerounais » expression réservée au président de la république comme seul habilité à s’adresser à la nation. En juin 1983 Ahidjo convoque une réunion du bureau politique pour le 19 afin de soumettre sa révision constitutionnelle et  n’informe Biya que le 18.

En représailles, Biya remanie son gouvernement le même jour, écartant les fidèles d’Ahidjo cependant il va maintenir le nombre de ministres du nord et va reconduire Bello Bouba comme premier ministre. A la suite de ce remaniement, Ahidjo va convoquer à sa résidence du lac plusieurs membres du nouveau gouvernement ressortissants du nord et va leur demander de démissionner  afin de mettre Biya en difficulté. En conséquence, deux lettres de démission seront établies et signées donc celle de Bello individuellement et celle des autres collectivement. Acte qu’Ahidjo va nier plus tard. Dans la même nuit, Ahidjo à 23 heure rencontrera le Dr Maikano Abdoulaye chez le délégué général à la gendarmerie nationale, M Waziri Ibrahim avec d’autres officiers tous issus du nord.

Par ailleurs Biya ne prendra pas part à la réunion du bureau politique du parti le 19 juin afin d’empêcher les discussions autour de la constitution qui allait consacrer l’immortalité de l’UNC et la suprématie constitutionnelle d’Ahidjo. Ahidjo soupçonne Biya de créer son propre parti.

Sous le prétexte de la traditionnelle présentation de vœux de ramadan au président de l’UNC,  Ahidjo, va se livrer aux bains de foule d’une étrange dévotion.

Comment un homme ayant « délibérément » décidé de rendre la pouvoir pour des besoins de santé pouvait il être aussi symboliquement actif ?

Le 19 juillet 1983 il se rend en France pour une curieuse consultation  médicale  et plus tard sa famille l’y rejoint. Le 27 août 1983 Ahmadou Ahidjo démissionne de la présidence de l’UNC après la découverte d’un complot. Le 28 février 1984il est Condamné à mort par contumace accusé de complot contre la sûreté de l’Etat. Le 6 avril 1984 : Echec du coup d’Etat militaire du colonel Saleh Ibrahim, un proche de l’ancien président Ahidjo.

Le 24 mars 1985l’UNC est remplacée par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Mort le 30 novembre 1989 à Dakar, le corps d’Ahidjo n’a jamais rejoint sa patrie.

Au regard de cette litanie des faits politiques, y a-t-il encore lieu de se demander lequel des deux hommes a été le véritable traitre?

 

 

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Commentaires

DOMINGO DASSOU
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Le pouvoir s'arrache